Dans notre vie, nous connaissons des moments de désert ; des temps d’épreuve durant lesquels notre foi est ébranlée... mais aussi affermie. Comme cela est arrivé à Jésus-Christ, il nous arrive d’être conduit au désert (Mt 4.1-11). Nous sommes confrontés à l’épreuve, et la tentation n’est jamais loin. Quant à la tentation, elle est bien une forme d’épreuve. Nos déserts peuvent alors devenir une école du Christ et de la foi. Ils constituent des occasions utilisées par Dieu pour nous faire grandir et pour consolider notre identité en lui.1
La Parole de Dieu ne suffit pas !
Lors du baptême de Jésus-Christ, Dieu le Père a affirmé : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » (Mt 3.17). Cela n'a pas empêché qu'une première tentation survienne. Le diable s’est attaqué à Jésus dans ce qu'il avait de faible. Celui-ci avait jeûné pendant 40 jours et il souffrait de la faim. Satan en a profité pour instiller le doute : « Si tu es le Fils de Dieu... » Pourquoi ne pas changer des pierres en pains ?
Dans nos déserts, la tentation prend souvent une forme similaire : elle met en doute le fait que nous sommes bel et bien enfants de Dieu. Du coup, nous cherchons des signes et des miracles qui en donneraient la garantie. La Parole de Dieu ne suffit pas. L'amour de Dieu et l'adoption manifestés lors de notre baptême ne nous semblent pas suffisants. Nous pensons : « Si tu es vraiment son fils, sa fille, alors ça doit se voir ! Il doit y avoir des preuves tangibles ».
Face à l’épreuve, la tentation peut être grande de chercher une assurance supplémentaire en dehors de la Parole de Dieu. Nous avons besoin d’être sûrs que nous sommes de véritables enfants de Dieu. Nous pensons parfois : « Comment peux-tu prétendre être un enfant de Dieu alors que tu te débats avec tant de problèmes ? » Et des chrétiens bien intentionnés viennent nous dire : « Si tu te repends vraiment, si tu places vraiment ta foi en Dieu, alors Dieu interviendra... »
Comme toutes les tentations efficaces, cette première tentation repose sur une part de vérité. N’est-il pas dit dans la Bible que Dieu ne donnera pas une pierre à ses enfants s’ils lui demandent du pain ? N’est-il pas vrai que Dieu intervient en faveur de ceux qu’il aime ? Jésus ne multipliera-t-il pas du pain pour nourrir les foules ? N’avons-nous pas appris à prier : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » ? L’homme n’a-t-il pas besoin de pain pour vivre ?
« Oui, mais pas seulement », répond Jésus. L’être humain – et Jésus est un être humain à part entière – a besoin de pain pour vivre. Mais avant tout, il a besoin de la Parole de Dieu. Dans nos épreuves, nous verrons des signes de l’action de Dieu ! Mais si nous n’en voyons pas, remettrons-nous en doute la Parole de Dieu ? Si je n’ai pas de preuve tangible, est-ce que ma confiance en lui volera en éclat ?
C’est la Parole de Dieu qui nous fait vivre. Elle nous permet de comprendre que nous sommes fils et filles bien-aimés de Dieu. A l’école de Christ au désert, nous apprenons à dépendre de la Parole de Dieu dans notre vie. Son Esprit repose sur ses enfants, sur ceux qui ont manifesté leur union avec le Christ par le baptême. C’est de sa Parole que nous serons nourris.
Dieu est Dieu...
Comme le diable n’a pas pu atteindre Jésus dans sa faiblesse, il tente de l’attaquer sur ses points forts (Mt 4.5-7). Cette deuxième tentation a lieu dans la cité sainte, au sommet du Temple. Le diable cite le Psaume 91 et demande à Jésus : « Si tu es le Fils de Dieu, lance-toi en bas ! » Le Psaume 91 est merveilleux, tellement encourageant lors d'un temps d’épreuve. Pourtant, Jésus résiste au diable en citant le Deutéronome : « Il est aussi écrit : tu ne forceras pas la main du Seigneur, ton Dieu ». Si le tentateur ne parvient pas à nous rendre charnels, il essaye de nous rendre hyper spirituels.
Le diable tente d’emprisonner Jésus, et Dieu lui-même, dans une lecture tordue et excessivement littéraliste de la Bible. Combien de fois sommes-nous tentés de faire de la foi une marche à suivre, une méthode qui fonctionne ? Pour Jésus, ce Psaume parle de l’amour protecteur de Dieu, pas d’une assurance tout risque. La foi ne signifie pas mettre Dieu à l’épreuve pour voir s’il va agir comme il l’a promis. Elle n’est pas un test, mais un acte de confiance en Dieu et en son amour.
A l’école du Christ au désert, nous apprenons que Dieu est Dieu. C’est nous qui le suivons et non l’inverse. Notre foi n’est pas une forme d’auto-persuasion ni une tentative de mettre Dieu sous pression. Face à l’épreuve, nous ne cédons pas à la tentation de mettre Dieu dans sa poche, afin qu’il serve nos intérêts et nos besoins. Dans l’épreuve, nous pouvons lui faire pleinement confiance.
Le désert, lieu de consolidation
Après ce deuxième échec, le diable transporte Jésus plus haut encore. Il lui propose un deal alléchant : un instant d’adoration en échange de la domination sur tous les royaumes de la terre (Mt 4.8-10). En substance, le diable dit à Jésus : « Pourquoi te faudrait-il mourir pour le monde, alors que tu peux le posséder maintenant ? » Jésus vient pour sauver le monde. Il a le projet d’étendre sa royauté sur toute la terre. Pourquoi ne pas accélérer un peu le processus ?
Jésus met alors Dieu au centre : « Va-t’en, Satan ! Car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et c’est à lui seul que tu rendras un culte » (Mt 4.10). Face à l’épreuve qui l’attend, Jésus ne se tournera vers personne d’autre. Même face à la perspective de la croix, il ne se laissera tenter par aucune solution de facilité. L’adoration est pour Dieu seul.
Dans des moments où l’épreuve est forte, nous pouvons être tentés de nous détourner de Dieu, de lui retirer notre confiance pour la placer ailleurs. Nos déserts deviennent alors des lieux d’affirmation de notre fidélité au Seigneur, envers et contre tout. Nos épreuves peuvent devenir des moments de consolidation de notre foi en Dieu, même si nous ne le voyons pas agir immédiatement.
Un Dieu qui en impose
Pour mesurer la force de cette tentation, il nous suffit de sonder nos propres aspirations vis-à-vis de Jésus. N’aimerions-nous pas parfois un Seigneur plus éclatant, plus manifestement vainqueur ? Un Dieu plus actif dans notre quotidien ? Des réponses rapides et extraordinaires à nos prières ? Un Dieu qui en impose un peu plus ? Un Dieu qui balaye les doutes et fait taire les contradicteurs par la manifestation de sa puissance ? Un Christ qui montre clairement le chemin et impose une morale correcte à tous ?
Jésus-Christ va bel et bien établir son règne sur toute la terre. Mais il ne le fera pas avec les méthodes ou les principes du diable. Sa domination sera celle de l’amour. Dans l’amour il n’y a ni contrainte, ni oppression, ni obligation. Le règne du Christ est un règne qui respecte radicalement la liberté des êtres humains. Jésus choisit la voie de la faiblesse afin de laisser les êtres humains libres de le choisir par amour. Pour Jésus, il n’y aura pas d’autre élévation que celle de la croix. Pas d’autre domination que celle de l’amour.
A l’école du Christ au désert, nous apprenons l’amour radical de Dieu pour nous, et pour ce monde. Nous apprenons à aimer Dieu de tout notre être et notre prochain comme Jésus l’a aimé.
Vainqueurs en Christ
« Là-dessus, le diable le laissa. Et voici que des anges vinrent et se mirent à le servir » (Mt 4.11). Satan a échoué. Jésus a vaincu. Il a résisté à la tentation. A son école et dans l’union avec lui, nous pouvons être vainqueurs nous aussi.
Parfois, comme le Christ, nous traversons le désert. Dans ces moments, comme le Christ, nous pouvons choisir de tenir fermement en nous appuyant sur la Parole de Dieu et sur son Esprit. Alors, le reste nous sera donné en plus.
Cédric Chanson
1 Références : Frederick D. Bruner, The Christbook, Eerdmans, 2004. Philip Yancey, Ce Jésus que je ne connaissais pas, Farel, 2001.