Plébiscite du mariage pour tous par les réformés suisses : une rupture de communion

Plébiscite du mariage pour tous par les réformés suisses : une rupture de communion
8 novembre 2019

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La décision a été largement diffusée. Les réformés de Suisse soutiennent dorénavant publiquement le mariage civil pour les couples de même sexe. Quel impact une telle décision doit-elle avoir sur les évangéliques ? Le journaliste et pasteur Serge Carrel risque quelques pistes. A titre personnel !

Mardi dernier à Berne, les délégués de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) ont affirmé par 45 voix contre 10 et 4 abstentions leur soutien au mariage pour tous au plan civil. Après des mois de discussions et de débats vifs, cette prise de position, avant même l’adoption par le peuple suisse de cette évolution majeure du droit du mariage, laisse pantois l’évangélique que je suis.

Faut-il faire comme si de rien n’était et afficher un dos rond en attendant que cela passe ? Importe-t-il de se réfugier dans nos chapelles et d’y prêcher que les temps sont mauvais et que nous sommes le petit reste fidèle dans une société déchristianisée ?

La rupture est majeure !

Une chose est sûre : la rupture opérée par la FEPS, la future Eglise évangélique réformée de Suisse, est majeure en christianisme et en protestantisme, tant du point de vue de la conception de l’autorité de la Bible que de la manière de faire de l’éthique protestante.

Cette décision rompt avec quasi deux millénaires de discours chrétiens sur le couple et la conjugalité (1). Elle coupe aussi avec nombre d’Eglises attachées à une vision classique du couple et du mariage. Le libéralisme théologique de la grande partie des élites réformées a triomphé !

Dans ce contexte, est-il possible de continuer à être en lien de la même manière que par le passé avec l’Eglise réformée suisse qui joue les thuriféraires des évolutions de notre société ?

Pas de semaine de l’unité avec les réformés en 2020 ?

Pour être cohérents avec nos convictions, il faut admettre au minimum que nous passons par une crise majeure dans nos relations intraprotestantes. La communion « bon enfant », qui se manifeste notamment par les rencontres de la semaine de l’unité des chrétiens en janvier, auxquelles participent nombre de nos Eglises, est ébranlée. Au point de poser franchement la question : nos Eglises doivent-elles poursuivre dans la même direction avec les réformés ? Ne faudrait-il pas marquer en 2020 ce « coup de couteau » majeur porté à notre communion ?

Un plaidoyer pour la séparation Eglises-Etat ?

Par ailleurs au vu des difficultés dans lesquelles les évangéliques vont être propulsés ces prochaines années en conservant une éthique conservatrice du couple et de la famille, ne devrions-nous pas plaider résolument pour l’égalité de traitements entre les religions de notre pays ? Militer franchement pour un système de séparation Eglises-Etat, tel qu’il prévaut à Genève et Neuchâtel, les deux cantons où – comme par hasard ! – l’Eglise réformée n’a pas encore statué sur le mariage pour tous ? La diversité des points de vue des Eglises ne serait-elle pas alors davantage reconnue ?

Serge Carrel
Journaliste, responsable de lafree.info
 
Note
1 Il est intéressant de relire la note sur l’homosexualité du livre d’Eric Fuchs « Le désir et la tendresse » (Genève, Labor et Fides, 1979, p. 211). Ce ténor de l’éthique protestante francophone des années 80 et 90 se faisait encore là l’avocat d’une conception où l’homosexualité était perçue comme : « Le refus de l’altérité de Dieu et le refus de l’altérité d’autrui » (p. 213). En faire un élément du projet créationnel du Dieu biblique, comme l’a affirmé le président de la FEPS, le pasteur Gottfried Locher, témoigne de l’ampleur du retournement opéré et de la perte de la Bible dans la manière d’élaborer une réflexion éthique chez les réformés suisses.