L’absence des jeunes au culte dominical, un problème de culture ?

mercredi 04 mai 2011
Le 21 mai prochain, la Journée de formation des responsables de la FREE traitera des « jeunes dans le vécu communautaire ». A cette occasion, Henri Bacher de Logoscom lance un débat.
Nos communautés se sabordent elles-mêmes ! Provocation ou constatation? Les deux à la fois! Dans nos milieux, nous avons longtemps observé comment les Eglises réformées se vidaient. Maintenant, c'est à notre tour de constater le même phénomène dans nos propres rangs. D'abord, c'étaient les jeunes qui filaient dans des communautés plus « chaudes » ou qui simplement se perdaient dans la nature, le lien familial n'étant plus suffisant pour les retenir dans le clan qui englobait souvent famille et Eglise. L'hémorragie ne s'est pas arrêtée aux moins de 25 ans, elle s'étend maintenant aux 30-40 ans. Ces jeunes adultes deviennent des intermittants du culte, s'ils se donnent encore la peine de ne pas laisser tomber définitivement la communauté.
 
Rupture du lien culturel
Pourquoi? Il y a à cela de nombreuses raisons, très différentes les unes des autres. Pour ma part, je n'aborderai que celles liées à la culture. Plus qu'un bouleversement des valeurs du christianisme ou un manque de sérieux dans la pratique spirituelle, il y a le fait que nous vivons un changement culturel fondamental. Nous passons d'une culture basée sur le livre à une culture de type oral, où l'écrit et le discours « scolaire » sont marginalisés.
Si les gens quittent nos Eglises (et ce ne sont pas toujours des jeunes), c'est en grande partie parce que la continuité du lien culturel n'est plus respectée. Je m'explique. On a compris depuis plusieurs décennies que dans les rencontres pour enfants, dans le cadre de l'Eglise, il fallait les occuper et les enseigner avec des images, des histoires, des films, des jeux bibliques. L'audiovisuel y est prépondérant. Arrivés à l'âge où ils rejoignent le circuit adulte, on les assoit sur une chaise, on leur demande de croiser les bras et on leur propose de penser Dieu au lieu de continuer à l'expérimenter avec leurs émotions, leurs mains et leurs pieds.
Dans le groupe de jeunes, c'est pareil. Prenez le récent week-end de jeunes à Echallens (Freestyle), organisé par la FREE. Le but était de « frustrer » au maximum les jeunes jusqu’à l'aube. Ils ont fait beaucoup de sport, ils ont été poussés dans leurs derniers retranchements. Ils ont dû apprendre à tenir et à juguler leur souffrance. Cette frustration a débouché sur un culte quelques heures plus tard, où, enfin, on leur expliquait le pourquoi de cet « entraînement » particulier. Dieu nous demande de « souffrir » pour lui, de tenir la route, même si c'est dur parfois et, à la fin, on recevra la couronne de la victoire. Je n'y étais pas, je ne fais que répéter maladroitement ce qu'un des responsables en disait. Pourtant ce que j'en retiens, c'est que ces jeunes qui vivent ce genre d'enseignement de la foi, ne vont pas se couler le reste de l'année dans un culte à écouter un message de haut vol intellectuel. C'est là qu'a lieu la rupture du lien culturel. Nos jeunes ne font plus l'effort de s'adapter à la culture des parents. Pourquoi le feraient-ils puisque dans d'autres communautés on « parle » leur langue? C'est un peu comme si on demandait aux parents de s'adapter à la culture du XIXe siècle et au style de culte qui se pratiquait à cette époque.
 
Un Evangile ancré dans la culture de la personne
Les parents et parfois des jeunes disent que les membres de la communauté doivent faire des efforts pour rester dans le même giron et essayer de ménager la chèvre et le chou. Ils voient une communauté idéale où tout le monde se supporte. Or la culture est liée à l'identité d'une personne. Si vous voulez détruire un peuple, détruisez sa culture ou empêchez-le de la pratiquer pleinement. C'est la stratégie de la Chine vis-à-vis d'un pays annexé comme le Tibet. J'irai encore plus loin. Si l'Evangile ne s'ancre pas dans la culture de la personne, il sera vite balayé. Les jeunes, lorsqu'ils viennent dans nos cultes classiques, endossent un habit spirituo-culturel qui n'est pas le leur, mais celui des parents. C'est une sorte d'habit de cérémonie qu'ils ne portent que pendant le culte. Le lien entre culture et foi est beaucoup plus fort qu'on ne le croit. Il faut accepter que chaque culture « colore » la foi à sa manière. Les premiers chrétiens de Jérusalem étaient fortement imprégnés par la culture et la spiritualité hébraïque. Les chrétiens d'Antioche, proches de la culture gréco-romaine, n'ont pas repris telles quelles les pratiques de Jérusalem. Il y a même eu des conflits entre les deux courants et de sacrées remises en question de la part des leaders de l'époque.
 
A vous de réagir !
J'ai bien sûr des propositions à faire, mais je voudrais vous laisser, à vous, le soin de les proposer dans le blog. Qu'avez-vous entrepris dans votre communauté pour répondre à ces changements culturels d'aujourd'hui?
Henri Bacher
Secrétaire exécutif de l’association Logoscom

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