« L’économie solidaire, une autre manière d’oeuvrer dans le monde professionnel » avec Michaël Gonin, nouveau professeur d’éthique à la HET-PRO

"L’économie solidaire, une autre manière d’oeuvrer dans le monde professionnel" avec Michaël Gonin, nouveau professeur d'éthique à la HET-PRO
16 février 2017

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L’économie solidaire n’est plus cantonnée aux Cartons du cœur. C’est une lame de fond qui déferle, même si encore timidement dans les milieux chrétiens. Michaël Gonin, récemment nommé professeur d’éthique à la HET-PRO, décrypte ce phénomène.

L’économie privée qui cherche à valoriser la personne et les relations humaines a le vent en poupe. « C’est une autre vision de l’économie, explique Michaël Gonin, 38 ans, chercheur sur le sujet et membre de l’Eglise La Chapelle à Renens (FREE). Elle veut corriger les abus du capitalisme, tout en en gardant certains principes fondamentaux. C’est une économie privée dont les acteurs visent un profit limité qu’ils subordonnent à des objectifs sociaux. » Cet enseignant à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a ainsi réfléchi avec ses étudiants à des projets comme la construction de lampes solaires à batteries prepaid pour remplacer celles à pétrole en Afrique ; ou encore au partage ici en Suisse de voitures avec application en ligne. « A chaque fois, le progrès technique est réfléchi en fonction d’un progrès social », se réjouit-il.

A quoi sert l’économie solidaire ?

Il serait plus juste de poser la question de qui elle sert. Car l’objectif, c’est l’humain, le développement de la société dans son ensemble au profit de toutes les personnes. L’économie dominante s’est en fait construite sur l’idée que « la marée montante ferait monter tous les bateaux ». Or écologiquement, on a aujourd’hui un problème. Et on n’a pas réussi à sortir les pays dits en développement de la misère. Dans le même temps, on connaît toujours plus de pauvres dans nos pays occidentaux. La marée n’a apparemment pas profité à tous. Il y a donc une nouvelle économie à développer de façon impérative !

Est-ce qu’il n’y a pas un effet de mode qui réjouit surtout les « bobos » ?

Oui, mais pas seulement. L’économie solidaire réjouit d’abord tous ceux qui sont dans le besoin et qui trouvent ainsi de nouveaux biens et services, y compris des emplois « normaux » en-dehors des associations caritatives ; et puis elle réjouit la jeune génération, qui veut savoir à quoi sert son travail : je vois toujours plus d’étudiants qui cherchent des emplois dont ils voient l’utilité pour la société ; et finalement, elle réjouit des quadragénaires en crise qui quittent un bon poste dans l’économie dominante pour ouvrir une petite boutique. Côté consommation, on réalise qu’on n’est pas plus heureux en consommant toujours plus. Je crois qu’il y a une fatigue du système actuel, que l’on a envie d’autre chose. Les gens veulent garder la logique de marché qui permet le choix, mais un marché qui respecte et contribue directement au développement de la société dans son ensemble. Y compris les questions écologiques. Cela devient une réflexion qui touche tous les aspects de la vie.

Quelles formes prend cette économie ?

Il y a par exemple en Suisse romande une résurgence des coopératives. Le commerce équitable ou bio, ainsi que l’économie de proximité ont par ailleurs le vent en poupe. On trouve des acteurs de cette économie solidaire dans tous les secteurs : il existe des banques alternatives ; on développe des projets de logements intergénérationnels qui incluent également des espaces de travail partagés ; le carsharing entre également dans cette logique ; il existe à Genève une coopérative en services informatiques : cela reste marginal si on prend l’économie suisse dans son ensemble, mais cela impacte toujours plus de gens.

En quoi cette économie rejoint-elle le chrétien que vous êtes ?

Les notions de service, d’amour de l’autre et de justice sont au cœur de la mise en pratique de ma foi chrétienne. Or elles sont également centrales dans ce genre d’économie. Je ne veux pas par exemple que le paysan n’arrive pas à vivre avec ce que je paie pour mon lait… Je ne peux pas simplement dire : « C’est la loi du marché. » Au niveau travail, je me réjouis de voir autant de non-chrétiens vivre de mandat en mandat par conviction pour des enjeux sociaux sans revenu fixe. Ils y arrivent sans Dieu. Il y a là pour moi une interpellation forte aux chrétiens et aux Eglises.

Gabrielle Desarzens

Une structure pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes

Il y a d’abord ce constat : chaque année, dans le canton de Vaud, 2000 jeunes se retrouvent sans perspective professionnelle (sans place d’apprentissage ou sans place au gymnase) à la sortie de l’école obligatoire... soit 1 écolier sur 4 ! « Or, chaque entreprise peut devenir une réponse concrète en proposant des places de stage avec l’appui de la fondation Jobtrek », explique à Yverdon-les-Bains son directeur Daniel Cazes. La structure est née il y a à peine plus d’un an et atteint bientôt son rythme de croisière en encadrant entre 25 et 30 jeunes. « Nous avons une quarantaine d’entreprises partenaires qui accueillent des jeunes intéressés à devenir employé de commerce, assistante dentaire, à travailler en hôtellerie ou en paysagisme par exemple. Ces stages peuvent parfois se transformer en place d’apprentissage. » Cet ingénieur en mécanique de formation souligne l’importance pour lui de s’inscrire dans une économie « qui tourne, mais qui met l’humain au centre ».

Chrétien, Daniel Cazes fréquente une Eglise de maison @home.

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Le modèle des Focolari

Le mouvement catholique des Focolari a fondé l’économie de communion (EdC) en 1991 comme alternative aux modèles économiques dominants. Aujourd’hui, plus de 800 entreprises, la majorité en Europe, vivent chacune à leur manière ce modèle qui occupe quelque 30'000 employés dans le monde. A Grimisuat, en Valais, Jean-Michel Besson l’a rejoint dès le départ, « mais notre entreprise existait déjà depuis une dizaine d’années ». A la tête aujourd’hui avec son fils de « Chèvrement bon », une petite entreprise de 3 employés et d’un apprenti, il transforme durant l’année quelque 70'000 litres de lait de chèvre dans sa fromagerie. Père et fils partagent leur bénéfice en trois parties : la première sert aux réinvestissements, la deuxième à l’aide directe aux pauvres, la troisième à la diffusion de la culture du don. Et notre homme de souligner : « Nous sommes dans une culture du profit à court terme ? Nous, nous voulons nous inscrire dans le long terme et dans une fraternité universelle. »

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