Lavigny 2010 : des crises qui font grandir

mercredi 10 février 2010

L’édition 2010 des Rencontres de Lavigny a abordé les 29 et 30 janvier la question des crises de la foi. Les deux orateurs invités, Linda Oyer et Louis Schweitzer, ont présenté à la fois des figures bibliques et historiques marquées par la crise, mais aussi les cinq phases de la vie spirituelle. Un propos qui a ouvert des perspectives stimulantes pour beaucoup.

Les 29 et 30 janvier dernier, à Lavigny, se sont tenues les habituelles rencontres qui offrent au public de nos Eglises l’occasion de creuser un sujet particulier. Le thème de cette année portait sur « les crises de la foi, étapes sur le chemin de la vie spirituelle ». Ce sujet n’est pas très populaire. Nous rêvons tous d’une existence radieuse, harmonieuse, sans obstacles. Or cette vision est utopique. Elle appartient au Royaume à venir. Les crises font partie intégrante de la réalité présente. Ainsi la question n'est pas de savoir comment les éviter, mais comment les traverser.
Linda Oyer et Louis Schweitzer, tous deux théologiens en région parisienne et formateurs dans le domaine de la spiritualité, nous ont tout d'abord sensibilisés aux crises traversées par le prophète Elie et l'apôtre Pierre. Il est instructif de prendre conscience des facteurs qui ont suscité ces crises pour observer ensuite comment elles les ont transformés afin d’entrer dans une fertilité nouvelle.

Des phases dans la vie spirituelle
Nous n’aimons pas les crises. Elles nous déstabilisent. Pour mieux les apprivoiser, nous avons besoin de clairvoyance. Nous pouvons repérer cinq phases dans notre vie spirituelle qui sont autant de manières différentes de vivre notre foi. Ces repères, pas nécessairement chronologiques, sont utiles pour mieux comprendre notre cheminement et celui des autres.
La première phase est caractérisée par une forte conscience de la présence de Dieu. Nous avons découvert la grandeur de l’amour de Dieu. Nous nous sentons aimés et acceptés, la vie prend un sens. Nous vivons des miracles. Dieu est là. Il répond à nos prières. C’est une phase d’émerveillement.
La deuxième phase répond au besoin de mieux comprendre la foi. Nous désirons apprendre beaucoup sur la foi chrétienne et sur Dieu. C’est un temps de formation, à l’écoute de personnes plus avancées que nous. Les réponses apportées à nos questions nous sécurisent. Nous ne comprenons pas tout, mais nous savons que quelqu’un a les bonnes réponses. C’est une phase d’approfondissement de nos connaissances bibliques et de développement de notre appartenance à une Eglise qui va influencer notre style de vie chrétienne.
La troisième phase se traduit par des engagements pratiques. Après avoir découvert le Seigneur et appris à son sujet, nous sommes prêts à donner. Nous voulons développer les dons que Dieu nous a confiés et nous pouvons ainsi contribuer à l’avancement de son règne. L’heure est à l’engagement dans un service particulier. Nous développons davantage de confiance et bénéficions de la reconnaissance des autres. Nous avons l’impression d’être à notre place.
Ces trois premières phases expriment un cheminement orienté vers l'extérieur et caractérisé par des convictions fortes et un engagement concret.

Quand la crise vient !
Or, à l'image d'Elie, il peut arriver que l'on se découvre intérieurement fragile. Nos sentiments profonds ne sont pas toujours au diapason de nos convictions. La lassitude et la routine peuvent s'installer. L’épuisement nous guette. Un obstacle majeur peut survenir : un deuil, un échec, un problème de santé, une difficulté dans l’Eglise, au travail, une injustice dont nous sommes victimes.
Nous sommes alors « projetés » dans une quatrième phase caractérisée par une profonde remise en question. C’est la crise existentielle. Nous avons moins de certitudes. Nous entrons dans une situation nouvelle, inconnue. Nous découvrons en nous des zones d’ombres, des blessures du passé. Nous éprouvons nos motivations pour le service : besoin de tout contrôler, perfectionnisme excessif, jouer au sauveteur, être aimés par les autres, acquérir de l’importance. Ce que nous avons considéré comme des vertus, soit être patients, être artisans de paix ou avoir le sens du sacrifice, constitue en partie des mécanismes de défenses qui nous protègent. Tout cela dresse un mur infranchissable devant nous. Nous vivons alors un dépouillement. Nous développons un sentiment d’échec, de honte, de culpabilité, car nous ne trouvons pas le chemin pour contourner le mur. Nos manières habituelles de lire la Bible et de prier ne sont plus opérantes. Nous entrons dans un désert spirituel où Dieu semble être absent. Nous vivons un temps caractérisé par l’expérience de la perte et du deuil. Une expérience de nuit obscure. Pourquoi Dieu permet-il cela ? Nous imaginons des scenarii volontaristes pour quitter cette phase : nous faire violence, nous raisonner, redoubler de zèle dans le service… En vain. Le mur est toujours là et semble même s’épaissir.
Intégrer la phase quatre fait appel à des attitudes qui ne nous sont pas familières, mais qui sont inscrites au cœur de l’Evangile. Cette intégration est marquée par les mots « consentir », « accepter ». Ces notions sont difficiles, car on a tendance à réagir avec colère et amertume ou à se résigner. Or, dans un contexte de grâce, on peut accepter les zones d’ombres que le mur a révélé, accepter les limites de notre condition humaine, renoncer à nos rêves de toute puissance. Laisser Dieu être Dieu. Accepter que cette situation soit le terrain où la grâce de Dieu va œuvrer. Choisir ce que nous n’avons pas choisi. Rendre volontaire tout ce qui nous est imposé.

La phase 5 marquée par la sérénité
Advient alors la phase cinq caractérisée par plus de sérénité. Elle ressemble à la phase trois. Une vie active, tournée vers l’extérieur. Mais c’est différent parce que nous sommes changés. Nous développons une vision plus réaliste de nos limites, de notre fragilité, de notre pauvreté spirituelle. Nous sommes davantage dépendants de Dieu, conscients qu’il travaille en nous au travers de nos faiblesses. Nous lui faisons davantage confiance. Nous ne sommes plus écrasés par notre condition de pécheurs. Nous acceptons paisiblement nos limites tout en souhaitant progresser. Face à notre vulnérabilité, nous développons une nouvelle vision de la grâce de Dieu. Nous saisissons davantage la grâce qui aime non pas la personne que nous aimerions être, mais celle que nous sommes. Nous accueillons les paradoxes de nos vies. Le renoncement et la dépendance de Dieu ne sont plus des actes ponctuels mais une attitude de cœur, un style de vie. La prière devient contemplative. Nous n’avons plus rien à prouver ni aux autres, ni à nous-mêmes. Nous sommes moins sensibles aux pressions des autres. Notre engagement émane d’une paix intérieure. Il n’est plus orienté vers la productivité, mais vise à plus de fécondité qui découle de notre union à un Dieu qui donne la vie.

La crise n’a pas le dernier mot !
En conclusion, cet itinéraire nous fait découvrir que ce n’est pas l’expérience de la perte qui définit notre vie mais notre manière de réagir à la perte. Nous ne pouvons pas changer les situations. Mais nous pouvons accepter de lâcher prise en faisant confiance à Dieu. A la différence d’une résignation fataliste, le consentement est habité par les vertus théologales qui nous relient à Dieu : la foi, l’espérance et l’amour. Dans la présence de Dieu qui féconde notre présent, nous pouvons avoir une liberté intérieure même si nous sommes privés de liberté extérieure.
Après cette riche présentation, les orateurs des journées de Lavigny ont développé les différents aspects de cet itinéraire dans la vie de François d’Assise. Puis ils ont esquissé les conséquences qui en découlent dans nos vies personnelles et celles de nos Eglises.

Jean-Jacques Meylan, pasteur et formateur d’adultes

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