« J'ai eu une poussée d'honnêteté avec ce livre ! » A quelques jours des rencontres de l'Association internationale des ministères de guérison (AIMG), Jean-Claude Chabloz, aumônier au Palais fédéral à Berne, évoque son dernier livre : Pour aider les malades et ceux qui prient avec eux. A 72 ans, ce pasteur qui interviendra à Oron-la-Ville considère qu'il a pris un peu de recul par rapport à la prière pour la guérison des malades. Non qu'il ait abandonné ce souci et cette pratique, mais il est à même aujourd'hui de développer un discours « moins triomphant » sur une manière de faire qui – même en milieu évangélique – a pu rebuter un certain nombre de personnes.
A la fois guéri et « pas-encore-guéri »
« Personnellement, je compte parmi les bénéficiaires d'une guérison divine et parmi ceux que j'appelle les 'pas-encore-guéris' », relève-t-il. A 20 ans, ce fils d'une mère tchécoslovaque et d'un père vaudois découvre la foi chrétienne, tout en étant guéri de crises épileptiques, après la prière d'un pasteur qui intercède pour les malades. A 33 ans, il est victime d'un infarctus. Aujourd'hui, il souffre d'un diabète de type 2 qui rend son quotidien parfois pénible. Comme il le dit en ouverture de son livre : « J'ai vécu une vie où la santé était absente. »
Cette expérience de la guérison suite à la prière et de la souffrance dans la maladie donne à notre « pasteur-guérisseur » cette épaisseur humaine qui l'empêche de distiller des déclarations faciles sur le sujet. « Tous les malades ne sont pas guéris, lorsque nous prions pour eux. Au vu de certaines enquêtes que j'ai menées, on peut dire que 5 pour-cent des gens pour lesquels nous prions sont guéris. » Ce résultat ne souligne-t-il pas le peu d'impact de la prière pour les malades ? Jean-Claude Chabloz rétorque que « cela dépend de quel côté on se place ! Si on compte soi-même parmi les 5 pour-cent qui sont guéris, c'est magnifique ! »
Des affirmations à démystifier !
A travers son livre, Jean-Claude Chabloz souhaite démystifier certains propos tenus par les « jusqu'au-boutistes » de la guérison. Notamment l'idée que tout le monde devrait être guéri et que le fait de ne pas l'être serait anormal. « Personnellement, explique-t-il, un sourire aux lèvres, j'affirme aussi que Jésus guérit tous les malades... avant la mort ou après ! Mais on préfère avant ! »
Autre idée fausse à laquelle Jean-Claude Chabloz tient à tordre le cou : le fait que la foi soit nécessaire pour la guérison. « Dans les 41 récits de guérison des évangiles, il y en a 16 qui parlent de la foi de manière explicite et, dans les autres, il semble que la foi ne soit pas requise. Jésus guérit donc sans la foi du malade ou de son entourage, tout comme cela se passe aujourd'hui lorsque nous prions pour les malades ! »
Dans certains milieux, on enseigne des prières-formules, garantes de la guérison. Il faudrait, par exemple, proclamer la victoire contre vents et marées... « On cherche une sorte de perfection dans la démarche, mais l'utilisation de formules toutes faites n'entraîne nullement la guérison. Il y a même parfois des malades qui ne prient pas et qui sont guéris ! », ajoute le pasteur évangélique.
Faire quelque chose de sa souffrance
Fort de son expérience, Jean-Claude Chabloz invite à faire quelque chose des souffrances par lesquelles on passe. « Pas question de tomber dans le dolorisme et d'exalter la douleur, lance-t-il. Il n'y a pas de valeur rédemptrice à la souffrance, mais Dieu l'utilise... » A ce stade de ses explications, le pasteur évangélique aime raconter la réaction d'un jeune, suite à l'une de ses interventions. « Je ne veux pas souffrir 'con' », avait lâché ce dernier. Et le pasteur de lui répondre : « C'est très profond ce que tu dis là ! Fais quelque chose de tes épreuves. Au lieu de te bloquer et de retomber, saisis-les comme un tremplin pour sauter et aller plus loin ! »
Personnellement, à cause de ses difficultés de santé, Jean-Claude Chabloz considère avoir perçu un peu de ce que peuvent être les souffrances de Dieu. « Notre refus de sa personne, nos mauvais choix, ça le fait souffrir ! L'angoisse de Jésus dans le jardin de Gethsémané, les douleurs des supplices et du châtiment sur la croix... autant d'indices qu'il y a de la souffrance en Dieu. » C'est dire si Dieu peut comprendre notre propre souffrance.
A cette école, Jean-Claude Chabloz a aussi appris à « relativiser certaines dimensions de la vie ». Le fait que la santé n'est pas un dû, mais qu'elle est une grâce. Le fait que « nous ne sommes pas des héros éternels et qu'il importe de faire de la place à la mort dans notre aujourd'hui... »
Pratiquement, Jean-Claude Chabloz invite chaque souffrant à « évacuer le hasard ». « Dieu sait toutes choses, relève-t-il. Il n'est pas à l'origine de ma souffrance, mais il l'a permise. » Il a un plan et il importe de connaître ce plan. « Les plans de Dieu sont bons, ajoute-t-il. J'ai donc quelque chose à apprendre de mes circonstances de vie. »
« Plus de profondeur, svp ! »
Impliqué depuis de nombreuses années dans ce qu'il appelle le « mouvement de guérison chrétien », Jean-Claude Chabloz considère que le thème de la guérison est porteur. En milieu catholique, réformé, orthodoxe et évangélique, on en parle. « Les gens cherchent, relisent la Bible et souhaitent développer une pratique convenable. Ils s'interrogent aussi sur les raisons qui font qu'il n'y a pas toujours guérison ou sur la manière d'aider ceux qui comptent parmi les 'pas-encore-guéris' pour qu'ils restent en paix et dans la joie, sans se dire : 'J'ai tout raté. Je n'ai pas été guéri !' »
Que ce soit dans les grandes rencontres comme celles de l'AIMG ou dans l'Eglise locale, Jean-Claude Chabloz plaide pour davantage de profondeur dans la pratique de la prière avec les malades. Notamment dans la rencontre de la personne. « Il faut que l'on s'approche des malades et qu'on les écoute vraiment. Il importe d'apprendre à écouter Dieu auprès de quelqu'un qui souffre... » Visiter un malade, ce n'est pas seulement prier pour lui, c'est aussi lui rendre des services concrets. « Cela fait partie du tout et on l'oublie souvent ! »
« Nous, les 'pas-encore-guéris', ajoute Jean-Claude Chabloz, nous ne sommes pas de la chair à guérir, comme nous le donne à penser parfois certains guérisseurs chrétiens qui n'ont pas d'approche globale de la personne. » Personnellement, il souhaite encourager tous ceux qui ont un ministère de prière. Il les invite à faire preuve de la même tendresse que Jésus développait à l'endroit de tous les souffrants qu'il guérissait. « Lorsqu'on lit les évangiles, Jésus est fin. Il a du tact. Il témoigne d'une tendresse extraordinaire... Une tendresse que ceux qui visitent et qui prient pour les malades devraient afficher dans leurs relations avec eux. »
Serge Carrel
Jean-Claude Chabloz (avec Joël Reymond), Pour aider les malades et ceux qui prient avec eux, Lyon, Première Partie, 2012, 224 p.