« Vanité des vanités, tout est vanité » (Ecclésiaste 1, 1-11). En réfléchissant à la pertinence de l’Evangile pour nous aujourd’hui, la réflexion du sage, l’Ecclésiaste comme l’appelle la Bible, me revient à l’esprit. Ce sage a écrit cette fameuse formule plusieurs siècles avant Jésus-Christ. Pourtant, on a l’impression qu’il regarde notre monde occidental du XXIe siècle. Comme quoi les siècles passent, mais la condition de l’être humain demeure ! Ecoutons encore : « Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? Une génération s’en va, une autre vient et la terre subsiste toujours ». Voilà une bonne leçon d’humilité : à quoi servent nos vies ? Qui se souviendra de nous ?
« Tous les fleuves vont à la mer et la mer n’est point remplie ». Ca a l’air naïf et pourtant ! On peut se remplir de connaissances, de plaisirs, de sensations fortes... Mais l’être humain demeure un panier percé ! « La mer n’est point remplie. » « Quiconque boit de cette eau, disait Jésus à la Samaritaine, aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau vive qui jaillira jusque dans la vie éternelle » (Jean 4, 13-14). Et j’avais soif, soif de cette eau. Je n’avais pas la sagesse de l’Ecclésiaste. J’ai regardé le monde changer autour de moi, sans trop comprendre que je changeais avec lui, avec les années.
Les Beatles, la lune, 1973...
Je me souviens des Beatles allant méditer en Inde. Ils avaient l’argent, la gloire, les femmes mais… « la mer n’était point remplie ». Pas de bol, leur prétendu gourou était plus intéressé à leur femme et à leur argent qu’à leur âme. Les fleurs dans les cheveux, les habits colorés, c’était « love and peace » (amour et paix). Mai 68 débordait de ses bouleversements : libération sexuelle, libération de la femme (travail égal, salaire égal !)... Avec le recul, il semble qu’on rêvait à la lune...
Et voilà qu’on y marche en 69. Il s’appelle Armstrong, Neil Armstrong. Et il pense que l’humanité est en train de faire un grand bond... « Le soleil se lève, le soleil se couche ; il soupire après le lieu d’où il se lève de nouveau », disait encore notre sage. Et ça, les astronautes ont dû le voir de là-haut. D’ailleurs un des douze (apôtres ?) à avoir foulé le sol lunaire, James Irwin, a déclaré à son retour sur terre : « La plus grande chose dans l’histoire de l’humanité, ce n’est pas que l’homme a marché sur la lune, mais que Dieu a marché sur la terre en la personne de Jésus-Christ ! » On allait sur la lune pendant que sur terre guerres, famines, pauvreté et inégalités continuaient!
La crise pétrolière de 1973 allait nous faire redescendre sur terre. Comme est redescendu sur terre ce chauffeur de taxi qui véhiculait le célèbre illusionniste David Copperfield ! Il répond un jour à un journaliste qui lui demande si son célèbre passager est un vrai magicien : « S’il avait vraiment des pouvoirs surnaturels, il créerait du pain pour ceux qui ont faim ». Avait-il lu l’histoire de la multiplication des pains par Jésus ?
La conquête spatiale, c’est un peu la contruction de la tour de Babel. Toujours plus haute ! D’ailleurs aujourd’hui, c’est Mars qui nous intéresse. Il paraît qu’il y a de l’eau là-bas ! S’agit-il de celle dont parle Jésus ?
Chronos et Mamon
On est donc tous revenus sur terre. Et là Chronos et Mamon nous ont pétris à leur image. Dans la mythologie grecque, le premier, Chronos, est un Titan qui réussit à soumettre à son pouvoir le monde entier. Il est cruel, inhumain. Il dévore ses propres enfants. Chronos, c’est le temps qui nous conditionne et nous stresse. Mamon a été cité par Jésus comme un dangereux concurrent à la foi, c’est la puissance de l’argent. Ces deux-là ont uni leurs forces : « Le temps, c’est de l’argent ». Et on court après l’un, comme après l’autre… « Vanité des vanités… » et quand on court comme ça… on a soif !
Ces temps-ci, un ami bûcheron doit abattre nombre d’arbres « bostrychés ». Ces arbres sont remplis d’une vermine qui les tue petit à petit. Elle se propage dans nos forêts où nos sapins et nos épicéas teintent leurs aiguilles non plus de « vert éternel », mais d’orangé, signe de cette maladie mortelle. C’est pathétique de voir ces grands épicéas, plus que centenaires parfois, majestueux, dont les cîmes paraissent toucher au ciel, se faire abattre en 5 minutes. Et ces géants sont morts avant qu’on ne les tue. Ils sont rongés de l’intérieur par la vermine… Quelle saisissante image de la condition humaine! L’être humain est capable de tutoyer les étoiles, mais il est rongé par le péché…
« Il y a un temps pour tout disait encore notre sage » (Ecclésiaste 3,1). Et vient le temps de se tourner vers Dieu… C’est ce que j’ai fait en méditant ses paroles et je ne le regrette pas. Puis-je t’inviter à reconsidérer ta vie, tes attentes, tes craintes ou tes certitudes ? La vie passe vite, mais il en est une autre qui dure au-delà des apparences comme du tombeau... et dont la pertinence traverse les siècles, les frontières et les cultures. De panier percé, ta vie peut devenir une coupe pleine qui déborde (Luc 6,38). C’est l’une des promesses de Jésus qui déclare encore : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14,6). Ah ! J’oubliais : c’est gratuit !
Jean-Pierre Junod