Au-dessus de Corgémont, dans le Jura bernois, Michel Ummel est l’un des responsables de la communauté mennonite du Sonnenberg. Face au fameux Pont des anabaptistes qui enjambe une gorge, il fait découvrir, en pleine forêt, l’œuvre d’art de l’artiste Jean-Pierre Gerber : un long cylindre en pierre avec six meules circulaires que l’on peut tourner à la main et qui représentent chacune 100 ans de l’histoire des anabaptistes, du XVIe au XXIe siècle. La première mention notée tout en bas date de 1525, quand des baptêmes d’adultes se font sciemment, en janvier de cette année-là, en dépit des avertissements des autorités de la ville de Zurich. « Le fait de rebaptiser, c’est comme si on fondait une nouvelle Eglise, explique Michel Ummel. Les anabaptistes se sont mis à dos tant les catholiques que les réformés. »
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Persécutions
Les convictions fortes de ces adeptes d’une réforme plus profonde de l’Eglise ont cristallisé une opposition qui s’est traduite par la persécution. Des figures de proue comme Felix Mantz, premier martyr noyé dans la Limmat en janvier 1527, puis Michaël Sattler, brûlé vif en mai de la même année en témoignent : « On a eu peur que ces ‘rebaptiseurs’ troublent l’ordre public. » Sous la menace des autorités politiques tant zurichoises que bernoises, certains se sont alors réfugiés dans le Jura bernois. « La région a été une terre d’accueil pour ces persécutés. Mais seulement ici, à plus de 1000 mètres, au pied du Chasseral, côté nord, au bord d’une gorge : l’endroit est des plus hostiles, mais c’est là qu’ils étaient tolérés. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque : ils étaient d’une part germanophones ; puis ils sont arrivés massivement, quitte à provoquer une crise de subsistance. On les a donc enjoints de monter sur la montagne et d’essayer d’y planter quelque chose. De fait, ils ont travaillé ces terres, ont enlevé les pierres des champs, y ont fait des miracles. Jusqu’à avoir de meilleurs résultats qu’en bas ! »
Réconciliation
Michel Ummel tourne les meules de la sculpture et pointe l’année 2004, quand il y a eu réconciliation : « Les autorités de la ville de Zurich se sont excusées, commente-t-il. Les cloches de la vieille ville ont sonné pour la première fois en l’honneur des anabaptistes. » La commune a pris l’initiative de déposer une plaque commémorative sur les bords de la Limmat, là où de nombreux anabaptistes ont été noyés.
Ce qu’il reste aujourd’hui de l’ADN de ces ancêtres des Eglises évangéliques ? « La dimension communautaire, l’idée du groupe, indéniablement, estime Michel Ummel. Et une belle ouverture à l’autre qui provient des persécutions. Notre passé doit nous faire réfléchir et penser actuellement aux nombreux réfugiés qui ne peuvent mener l’existence qu’ils auraient voulue. Avec notre bagage historique, on a une sensibilité aux personnes déplacées qu’il s’agit de mobiliser. »
Gabrielle Desarzens
Ecouter dans la série A vue d’esprit « La Réforme vue de Suisse » : « Les anabaptistes ».
http://goo.gl/Z4ly5Q
Trois clips ont été réalisés par Gabrielle Desarzens et Pascal Crelier avec Michel Ummel. A voir sur lafreetv.
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