Israël malmène une délégation chrétienne

Israël malmène une délégation chrétienne
18 mai 2016

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Des membres du Conseil œcuménique des Eglises (COE) ont été arrêtés à leur arrivée à Tel Aviv, détenus, puis expulsés. Ils devaient participer en Cisjordanie à une réunion sur le climat. Sophie Dhandjal, déléguée du COE, a témoigné de cet épisode dans l’émission Hautes Fréquences dimanche 15 mai sur RTS La Première. Nathan Chicheportiche de la mission israélienne aux Nations Unies y a également réagi.

Fin avril, des membres du COE devaient participer à une réunion sur le climat près de Bethléem en Cisjordanie. Or plusieurs personnes de la délégation ont subi des interrogatoires longs et agressifs à leur arrivée à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. Certains ont même été mis en détention puis refoulés. Durant certains interrogatoires, des douaniers auraient déclaré ne pas aimer le Conseil œcuménique des Eglises et précisé que l’organisation n’était pas une bonne chose pour leur pays, selon Mélisande Schifter, de la Commission pour les affaires internationales du COE.

Deux femmes ont été incarcérées puis expulsées. Lundi 9 mai, son secrétaire général Olav Fykse Tveit a écrit une lettre de protestation à la Mission d’Israël auprès des Nations unies en lui demandant des excuses.

Pour Sophie Dhanjal, 54 ans, assistante administrative au COE et l’une des deux femmes incarcérées, il y aurait eu un quiproquo entre la délégation sur le climat et d’autres membres du COE participant au programme EAPPI (Programme d’accompagnement œcuménique en Palestine et Israël). Ces derniers observent la cohabitation entre Palestiniens et Israéliens, mais témoignent aussi au besoin des violations des droits humains (voir l’encadré ci-dessous).

« Assimilées à un autre programme »

« Une collègue et moi avons été questionnées pour savoir pourquoi nous venions. Quand nous avons dit travailler pour le COE, nous avons tout de suite été assimilées à un autre programme, dit-elle. A la fin, ils ont décidé que nous allions être expulsées. Nous avons dû attendre le prochain vol. Nous nous sommes fait amener dans un centre de détention de l’aéroport. Nous avons dû laisser toutes nos affaires dans un local. Nous avons pu emporter une chose pour la nuit, de la lecture et une brosse à dents. Nous étions arrivées le vendredi soir ; nous sommes parties le lundi midi. » Sophie Dhanjal souligne encore qu’avoir ainsi « été traitée comme une terroriste, une criminelle » a été quelque chose de difficile à vivre. 

Réaction israélienne

Que dit le gouvernement israélien de cette affaire ? Chargé de communication à la Mission d’Israël auprès de l’ONU, Nathan Chicheportiche indique qu’il est ridicule de penser que le COE figure sur une liste noire du gouvernement israélien. « Israël est une démocratie où la liberté d’expression est assurée », souligne-t-il. La réunion sur le climat s’est d’ailleurs tenue et Israël n’a rien contre le COE et laisse opérer les ONG sur son territoire. Mais les personnes qui n’ont pas été autorisées à entrer sur le territoire n’ont, selon lui, pas répondu aux questions des autorités douanières de manière véridique. 

Gabrielle Desarzens

Le dossier actualité de l’émission Hautes Fréquences du 15 mai était consacré à ce sujet.

Un programme pacifique mais critique

Emilie Converset, coordinatrice de l’ONG Peace Watch qui s’occupe de former les délégués de l’EAPPI (Programme d’accompagnement œcuménique en Palestine et Israël) en Suisse romande, explique que ce programme a été  mis en place par le COE en 2002 à la demande des Eglises du Proche-Orient. « Son objectif est d’accompagner les Eglises locales mais aussi les organisations pour la paix, palestiniennes et israéliennes, qui cherchent à mettre un terme à l’occupation des territoires palestiniens de manière non violente », indique-t-elle. 

Emilie Converset, quels sont les résultats concrets de ce programme ?
— La présence protectrice de ces internationaux permet de désamorcer des situations difficiles sur le terrain que ce soit dans les checkpoints ou lors d’altercations entre des colons israéliens et des Palestiniens ; cela permet aussi de documenter les agences onusiennes notamment. 
Les résultats concrets sont surtout dans les retours des personnes et églises accompagnées qui disent que cela leur donner de l’espoir, du soutien. Cette présence internationale constante leur donne le courage de rester dans leur village.

Quels retours avez-vous de la part des délégués ?
— Ils sont à la fois positifs en termes de contacts, mais souvent très durs en matière de documentation  des violations des droits de l’homme. A Hébron par exemple, des colons au nombre de 500 environ se sont installés au centre-ville. Pour les protéger, un grand nombre de soldats israéliens sont placés là en permanence. Cela donne une situation très tendue. L’une des tâches des internationaux consiste à accompagner les enfants palestiniens à l’école, car ceux-ci sont souvent harcelés. Un autre exemple: la vallée du Jourdain est sous contrôle administratif et sécuritaire d’Israël. Beaucoup de villages de Bédouins y connaissent actuellement une recrudescence de destructions d’infrastructures qui devrait les pousser à quitter l’endroit pour être replacer ailleurs.

Est-ce que les rapports entre les colons israéliens et les Palestiniens sont plus tendus qu’auparavant ?
— Oui, je pense notamment depuis octobre 2015 qui marque les premières attaques au couteau de la part de Palestiniens à l’encontre des Israéliens. Il y a une augmentation des agressions et par conséquent un durcissement de l’armée à l’encontre des Palestiniens. La situation est globalement plus tendue en Cisjordanie. Ce qui a provoqué certainement aussi une augmentation des contrôles aux frontières. Cela dit et comme tout autre Etat, Israël ne voit sans doute pas d’un bon œil les dénonciations des violations des droits de l’homme. Mais je pense que c’est le rôle des Eglises et de la société civile de veiller au bon respect de ces droits.

Propos recueillis par Gabrielle Desarzens

Plus d’infos sur le Programme d’accompagnement œcuménique en Palestine et Israël.