Commençons par les préparatifs... Avant de parler de la manière d'être témoin (le « comment »), attardons-nous sur deux questions : de quoi sommes-nous témoins et quelle devrait être notre motivation à témoigner (le « pourquoi »)?
Témoins de l'amour de Dieu
Pour dire les choses simplement, nous sommes appelés à être témoins de l'amour de Dieu ; en particulier, celui manifesté à la Croix. Or, si nous sommes honnêtes, nous témoignons souvent de plein d'autres choses : de notre Eglise qui est super, de notre vie bénie, du fait que nous n'avons plus tel défaut ou telle difficulté. Si c'est parfois une « promo » efficace, on est bien embarrassé quand notre Eglise va mal, que notre vie n'est pas au top ou qu'on la « pile »... C'est tout le danger de mettre l'accent sur la bénédiction de Dieu – des signes temporels de son amour – plutôt que sur Celui qui en est la source !
L'amour de Dieu est donc l'objet de notre témoignage chrétien. Il en est également le moteur : Paul expliquait son enthousiasme à « convaincre les hommes » du message de l'Evangile par la « pression d'amour » du Christ dans son cœur (2 Co 5.11 et 14). Dieu le Père, plus encore, a envoyé son Fils « parce qu'il a tant aimé le monde ». Exit donc les motivations de réussite, de croissance ou même d'obéissance : de l'amour, sinon rien !
Des « humains-témoins »
Voilà ! Nos affaires sont prêtes ! En route vers notre première signification : la villa-témoin. Etant un modèle des constructions futures, la villa-témoin permet aux potentiels acheteurs de se faire une idée concrète des projets de l'architecte. Par analogie, nous sommes les « humains-témoins » de ce que Dieu fait dans notre vie auprès des gens qui nous côtoient régulièrement. Curieux comme vous et moi, ils ne se privent pas de jeter un œil dans notre vie pour voir à quoi pourrait ressembler la leur, s'ils laissaient Dieu y travailler ! Nous sommes en quelque sorte sa carte de visite... Quel défi pour nous et quelle marque de confiance de sa part !
Qu'ont aperçu les gens qui « jetaient un œil » dans la vie de Jésus ? Un amour inconditionnel pour chacun ! Cet amour devrait être la saveur qui « saute au nez » de ceux qui visitent notre vie-témoin, car Jésus nous envoie dans le monde de la même manière que le Père l'a envoyé... Mais nous sommes d'accord pour reconnaître qu'aimer est un immense défi ! Et il n'est même pas envisageable de faire semblant : les gens qui nous connaissent savent très bien différencier ce qui est authentique de ce qui est « pour la pub ».
Loin des « activités de témoignage », cette analogie nous renvoie donc au cœur de notre relation avec Dieu, à notre capacité à nous nourrir de son amour et à le laisser nous transformer à son image. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », disait Jésus à ses disciples, « celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruits ! » (Jn 15.5). Etre un humain-témoin présuppose donc de laisser Dieu, l'architecte, nous « rénover » de manière continuelle et profonde.
Un témoin qui dit la vérité
Poursuivons le voyage et passons... au tribunal ! C'est sans doute le sens le plus courant du mot témoin : celui qui est appelé à rendre un témoignage dans le cadre d'un procès. Son rôle est simple : dire ce qu'il a vu et entendu. A la différence des parties du procès, le témoin est le seul qui jure de dire la vérité ! Cela s'applique sans nul doute au témoignage chrétien !
Cette image me rappelle les situations où, d'une manière ou d'une autre, nous sommes pris à partie au niveau de notre foi : « Toi qui es chrétien...» ou « Toi qui vas à l'Eglise... » Cette image fait écho aux paroles de Pierre, qui sait de quoi il parle après son triple reniement : « Soyez toujours prêts à défendre l'espérance qui est en vous, devant tous ceux qui vous en demandent raison » (1 P 3.15). A chaque fois, c'est une occasion qui se présente, souvent signe d'un intérêt qui est là, et peut-être d'un cœur qui s'entrouvre... mais il faut savoir que répondre et vite !
Pierre nous donne une première clé : c'est notre espérance qu'il s'agit de défendre, pas notre doctrine, ni notre Eglise, ni les prises de position papales ! Une deuxième clé réside dans la connaissance de la vision du monde de l'autre... Plutôt matérialiste ? Plutôt animiste ? Son point de vue déterminera quelles réponses il jugera crédibles. « Etre prêts » suppose que nous ayons quelques connaissances de base de ces différentes visions du monde, à la croisée de l'apologétique et de l'anthropologie. Ce qui passe par un effort de formation1... Si nous prenons au sérieux l'appel de Dieu à être des témoins, donnons-nous les moyens d'être des témoins adéquats et crédibles ! C'est un investissement inévitable face au pluralisme de la postchrétienté !
Passer le témoin
Nous arrivons à la dernière étape de notre voyage avec la course-relai, dans laquelle des coureurs se passent un témoin. Cette image sportive nous place dans le contexte de la transmission de la foi. Elle est donc pertinente lorsque des personnes ont manifesté un intérêt pour l'Evangile. Un premier aspect me frappe : le témoin se transmet à l'intérieur d'une équipe. Ceci souligne que cette transmission s'appuie sur une amitié, sur une relation établie, sur une acceptation réciproque du chemin qu'on va vivre ensemble. Jésus a été l'ami des pécheurs... nous sommes aussi appelés à être des amis, rien de moins ! Ensuite, pour que les coureurs s'échangent le témoin, ils doivent être synchronisés. Celui qui souhaite partager l'Evangile doit se mettre au rythme, au niveau de l'autre et non l'inverse. Faire des disciples demande du temps et de l'amour. Par contre, pas besoin de réinventer les baskets et le chronomètre ! Plein d'outils existent pour transmettre l'Evangile : cours Alpha, cours pour personnes en recherche sur les Evangiles, Vitamine-B, etc ! Servons-nous !
Trois images plus tard, que retiendrons-nous de notre voyage au pays du témoignage ? Etre témoin est une attitude multi-facettes, dont certaines nous sont plus naturelles que d'autres ! Heureusement, elle est le fruit d'une puissance divine qui nous est offerte au quotidien et qui dépasse nos impossibilités ! Bonne route à chacun !
Philippe Thueler
1 Le FREE COLLEGE et la journée de la FREE le 2 novembre permettront à ceux qui le souhaitent de creuser ces aspects !