Polémique autour d’ICF : le regard de Philippe Gonzalez, sociologue des médias

jeudi 14 février 2013

Des chrétiens évangéliques, membres de l’Eglise ICF à Zurich, ont saisi la justice pour interdire le livre intitulé « In Jesus’ Name » du photographe genevois Christian Lutz. Ce dernier crie à la censure.

Christian Lutz a suivi et photographié les différentes activités de la communauté ICF (International Christian Fellowship) à Zurich sur une année avec l’accord de ses dirigeants. Résultat : un ouvrage intitulé « In Jesus’ Name » qui comprend 57 photographies.

Ce livre constitue le troisième volet d’une trilogie sur le pouvoir initiée en 2003 par le photographe. Il a été interdit de diffusion à titre préventif dix jours après sa sortie en novembre passé par un tribunal zurichois, a expliqué jeudi 7 février dernier Christian Lutz devant la presse. Vingt-et-un membres de l'Eglise évangélique zurichoise ICF ont déposé plainte contre la publication au nom du droit à l'image. Ces mesures provisionnelles ont été confirmées par la cour le 24 janvier. Plusieurs photos incriminées doivent cependant être accrochées au Musée de l’Elysée, à Lausanne, en juin 2013.
Ledit musée fait de la défense de Christian Lutz un combat de principe au nom de la liberté artistique. Un comité de soutien réunissant de nombreuses personnalités a été constitué. Parmi elles figure l'ancien conseiller fédéral Pascal Couchepin, qui a participé au premier volet de la trilogie, «Protokoll» (2007), sur le pouvoir politique.
 
Présent à la conférence de presse au musée de l’Elysée, Philippe Gonzalez, sociologue des médias et fin connaisseur du milieu évangélique, nous livre son expertise.
 
Philippe Gonzalez, comment expliquez-vous cette soudaine levée de boucliers ?
  • Je crois que cela dit quelque chose d’un décalage sur la culture de l’image entre ICF d’une part, et le photographe mais aussi la société en général d’autre part. ICF est une Eglise très particulière dans le paysage suisse, qui est très orientée sur le marketing. Elle véhicule une image de marque, comme Nike ou Coca-Cola ou McDonald’s, et a un souci de contrôle.
Dans le cas précis, nous sommes en présence d’une perte de contrôle de l’image et par conséquent du pouvoir ?
  • Il y a deux dimensions dans l’image : la dimension commerciale, puis celle qui consiste à la soumettre au public, à l’opinion publique. Dans le cas précis, on est entré dans le cadre de la réflexion démocratique sur des questions qui touchent aux formes de vivre ensemble. ICF a senti le décalage entre l’image qu’elle essaie de communiquer à la société et la façon dont des citoyens, comme Christian Lutz, peuvent la regarder et l’appréhender. Nous sommes en présence à la fois de la question privée du droit à l’image, de la liberté d’expression et de la liberté d’information. Mais la composante commerciale est aussi importante. Car si ce sont des privés qui ont déposé plainte, ils se sont tous adressés au même avocat qui est l’avocat d’ICF. Ce n’est donc pas seulement une affaire entre privé et public : ces deux sphères sont clairement parasitées par la dimension commerciale d’ICF.
C’est-à-dire ?
  • Vu qu’ICF est une entreprise relativement marchande et qu’elle propose un rapport de consommation à ses fidèles, c’est potentiellement un problème à l’intérieur de la communauté. Généralement, les Eglises évangéliques fonctionnent sur un modèle qui est extrêmement démocratique. Dans le cas d’ICF, le fonctionnement est celui d’une entreprise. Du coup, les fidèles sont réduits à un rang de consommateurs. Ils n’ont pas une part active aux décisions qui engagent l’Eglise de façon collective. Je pense que c’est une spécificité qui met ICF à part des autres communautés.
Qu’est-ce que ce litige dit des rapports entre la société et le religieux aujourd’hui ? Est-ce que c’est anecdotique ou cela révèle-t-il une difficulté de dialogue ?
  • Je pense que c’est à réinscrire dans des controverses qu’on a eues récemment sur l’utilisation des images religieuses dans l’espace public. On voit bien que nos sociétés se déchristianisent et se sécularisent, qu’elles embrassent un religieux qui est pluriel et qui apparaît beaucoup plus exotique. Le recours à ces symboles religieux est un recours souvent décalé de la part des artistes et qui peut choquer les membres des religions eux-mêmes. Il faut savoir que les symboles du christianisme en Occident sont disponibles culturellement et qu’ils peuvent se prêter à une interprétation culturelle qui n’est pas forcément acceptée par les croyants.
Propos recueillis par Gabrielle Desarzens pour l’émission Hautes Fréquences dimanche 10 février sur RTS La Première.

Le commentaire de Serge Carrel de lafree.ch:  "L'affaire Christian Lutz-ICF: un manque de savoir-vivre du photographe".

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