« Michel Aoun n’a jamais cru aux printemps arabes. Il avait prédit qu’ils allaient profiter aux extrémismes. Il y voyait en outre une sorte de complot occidental pour remettre la main sur la destinée politique, économique des pays de la région. » Interrogé dimanche 24 janvier sur RTS La Première, Vincent Geisser, sociologue à l’IREMAM (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman) d’Aix-en-Provence, a expliqué que le général Aoun, 81 ans, soutient aujourd’hui surtout le Hezbollah chiite, qui est le pilier du régime de Bachar el-Assad.
Alliance de deux rivaux
C’est lundi 18 janvier que l’ancien chef de milice Samir Geagea a annoncé son appui à la candidature d’Aoun à la présidence du Liban. Celle-ci est vacante depuis 20 mois. En 1990, à la sortie de la guerre civile, il y a eu pourtant une guerre fratricide entre les forces libanaises de Samir Geagea et Michel Aoun, qui était le chef d’Etat-major des armées. Une guerre qui a fait plusieurs centaines de morts, « pratiquement plus de morts, estime Vincent Geisser, que toute la guerre civile ». Malgré cela, ils s’unissent aujourd’hui, « pour ne pas disparaître politiquement ».
Selon le système confessionnel qui règne au Liban, le chef de l’Etat doit être un chrétien maronite, le premier ministre un musulman sunnite et le président du parlement un musulman chiite.
Solidarité miracle
Une alchimie miracle ? Pour Vincent Geisser, le miracle ne vient pas des politiques, mais il émane du peuple : « La crise syrienne le révèle : le miracle, c’est tout ce qui se passe au niveau de la solidarité. » Le pays compte plus d’un million de réfugiés. Ceux-ci constituent le quart de la population résidente. Or, ce sont « les solidarités ordinaires qui permettent de faire face à la crise humanitaire. Et pas seulement les solidarités communautaires religieuses, mais aussi transconfessionnelles : des associations chrétiennes aident des musulmans et des musulmans aident des chrétiens ». Ce soutien est paradoxal, car des discours très durs sont proférés sur cette « invasion syrienne », sur le fait qu’ils vont déstabiliser le Liban... mais ces discours s’accompagnent de pratiques tangibles d’hospitalité. Pour Vincent Geisser, c’est un peu l’image inversée de l’Europe, où on entend beaucoup de discours solidaires, mais qui se traduisent peu en actes concrets. « C’est un peu une leçon d’humanité que nous donne le Liban. »
Gabrielle Desarzens
Le lien au dossier actualité de Hautes Fréquences.
http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/hautes-frequences/7399464-les-chretiens-du-liban-pro-assad-24-01-2016.html?f=player/popup