« La théologie à l’université : halte au nombrilisme romand ! » par Serge Carrel

vendredi 26 juin 2015

La fermeture de la Faculté de théologie de Neuchâtel et l’ouverture annoncée pour 2016 ou 2017 d’une HES en théologie protestante en Suisse romande alimentent un débat stimulant. Y compris sur les ondes de la radio de service public la plus populaire de Suisse romande : RTS La Première.

A nouveau cette semaine, la Haute Ecole de théologie (HET) fait l’objet d’un commentaire dans un grand média romand (1). Avec toujours le même argument : garder la théologie à l’université, c’est un rempart contre les dérives sectaires et les fondamentalismes de tous poils.

En France et outre-Atlantique

Dans ce débat, on a l’impression que les défenseurs de ce point de vue n’ont jamais quitté la Suisse romande. Et jamais entrevu comment pasteurs et théologiens sont formés à l’étranger. Prenons la France. A part la Faculté de théologie protestante de Strasbourg, à cause de la dynamique concordataire en Alsace, toutes les Facultés de théologie, y compris l’Institut protestant de théologie de Paris et la Faculté libre de théologie protestante de Montpellier, sont des entités privées, indépendantes de l’Etat. Assiste-t-on en France à des dérives sectaires et à une montée du fondamentalisme ou de l’intégrisme plus qu’ailleurs ? Grâce à des Facultés comme Vaux-sur-Seine ou Aix-en-Provence, disons plutôt que le milieu évangélique relève le défi des grandes questions qui se posent à la foi protestante au XXIe siècle, et connaît une croissance qui impressionne jusque dans les médias !

Si l’on regarde outre-Atlantique, la plupart des institutions de niveau universitaire de sensibilité réformée ou évangélique ne dépendent pas de l’Etat. Elles sont privées, contribuent de manière impressionnante à la formation des pasteurs et alimentent même la réflexion théologique au plan global avec des recherches surpassant de loin celles qui sont menées à l’heure actuelle sur le Vieux-Continent ! Du point de vue social, de telles institutions contribuent à la « conversation » publique de manière démocratique et respectueuse de la diversité religieuse de notre temps.

De la place pour différents modèles !

Alors, s’il vous plaît, mettons fin à ce nombrilisme romand ! En protestantisme, il y a de la place pour différents modèles de relations entre lieux de formation, Eglises et Etat. La HET n’a jamais mis en cause la formation théologique à l’université. Elle ne sera pas non plus un lieu qui alimente les dérives sectaires ou fondamentalistes.

Le vrai débat ne se situe-t-il pas ailleurs ? Autour de questions comme : de quelle théologie protestante les étudiants des Facultés de Lausanne et Genève sont-ils nourris ? Et là on comprend bien pourquoi les partisans du « libéralisme » au sein du protestantisme réagissent si vivement. En perdant la main mise sur la formation théologique grâce à des lieux financés par l’Etat, ne verraient-ils pas leur rayonnement pâlir, voire, purement et simplement, disparaître ?

Serge Carrel

Journaliste et chargé de la formation dans la FREE

Note
1 Vincent Bourquin, « La théologie doit rester à l’université », Signature, Journal du matin de RTS La Première, le 24 juin.

Serge Carrel

Serge Carrel est au bénéfice d’une formation double: théologique et journalistique. Après dix ans de pastorat en France et en Suisse romande, il a travaillé huit ans comme journaliste aux émissions religieuses de la RTS. Aujourd’hui formateur d’adultes et journaliste en lien avec la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE), il essaie de tirer le meilleur parti de ce double ancrage. Que ce soit dans le cadre du FREE COLLEGE, de lafree.ch, de Vivre ou de la fenêtre chrétienne de MaxTV.

Formation reçue

Master en théologie (UNIL, 1986)
Centre romand de formation des journalistes (RP, 1996)

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