L’accord de Gaza d’octobre 2025 – négocié par les États-Unis, l’Égypte, le Qatar et la Turquie – a été salué à l’international comme une percée très attendue. Il prévoit un cessez-le-feu temporaire, un échange progressif d’otages et de prisonniers, un retrait partiel des troupes israéliennes et un afflux d’aide humanitaire.
Après près de deux ans de dévastation, cet accord marque une rare accalmie dans la violence.
Mais pour les Palestiniens, ce n’est qu’une pause dans la souffrance, non encore une promesse de Salaam/Shalom, la paix véritable, celle du cœur de l’Évangile et du Royaume de Dieu.
Salaam/Shalom, la vraie paix, ne se réduit pas à l’absence de violence : elle inclut la justice, le bien-être et la plénitude.
La blessure non guérie sous la trêve
Aujourd’hui, Gaza est un paysage de ruines. Des quartiers entiers ont disparu, des hôpitaux et des universités sont réduits en gravats. Plus de deux millions de personnes ont été déplacées.
Les Nations unies décrivent la situation humanitaire comme « au-delà du catastrophique ».
Le cessez-le-feu peut arrêter les bombes et les obus, mais il ne reconstruit pas les maisons, ne restaure pas la dignité, ni ne rend la souveraineté.
Cet accord, bien que salvateur à court terme, traite les Palestiniens comme des objets de secours, non comme des sujets humains. Il se concentre sur les besoins physiques immédiats, tout en éludant les causes politiques, psychologiques et émotionnelles : l’occupation, le blocus, la dépossession.
Pour les Palestiniens, la question durable n’est pas quand l’aide arrivera, mais s’ils pourront un jour reconstruire leur vie selon leurs propres termes.
Si les causes profondes du conflit ne sont pas abordées rapidement, un cessez-le-feu peut devenir une action négative : il apaise sans guérir. Sans voie vers une solution stable, un cessez-le-feu ne fait souvent que masquer les injustices systémiques qui ont provoqué le conflit.
Et si ces injustices ne sont pas corrigées, le conflit reprendra – peut-être dans quelques années ou dans une génération – avec plus de force et de conséquences pour la région et le monde. Ce n’est pas une menace, mais une réalité historique.
Ce que l’accord accomplit – et ce qu’il dissimule
Les bénéfices immédiats du cessez-le-feu sont clairs : chaque camion qui entre à Gaza apporte nourriture, médicaments et espoir à ceux qui ont enduré l’insupportable. Les familles d’otages et de prisonniers revoient enfin le visage de leurs proches, et les morts peuvent être enterrés dignement.
Mais ces gestes, aussi humains soient-ils, ne remplacent pas la transformation profonde dont les Palestiniens ont besoin : la fin des structures et des systèmes qui perpétuent leur dépendance et leur vulnérabilité. L’accord ne mentionne rien sur la levée du blocus de 18 ans, rien sur la gestion palestinienne de la reconstruction, rien sur l’occupation qui se poursuit en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Il ne contient aucun mécanisme de responsabilité pour les pertes civiles massives : aucune enquête, aucune reconnaissance du traumatisme infligé à tout un peuple.
Dans ce silence, l’accord reflète la logique des cessez-le-feu précédents : un calme temporaire en échange d’une injustice durable. En apparence, il permet surtout aux personnes et aux pays puissants d’en tirer profit – financièrement et politiquement – sur le dos du peuple palestinien.
L’aide sans liberté est une forme de contrôle
L’accès humanitaire est essentiel, mais il ne doit pas devenir un autre instrument de domination. Dans la situation actuelle, Israël conserve le contrôle sur ce qui entre à Gaza, sur les endroits où l’aide est distribuée, et quand les frontières s’ouvrent ou se ferment. Cette mainmise transforme l’aide en un outil de pression politique, non en un moyen de libération.
La société civile palestinienne, les institutions locales et les responsables communautaires – ceux qui ont maintenu la vie au milieu des ruines – sont largement exclus des décisions.
Cette exclusion révèle un problème plus profond : le monde continue de parler des Palestiniens, mais pas avec eux. Si la reconstruction doit signifier plus que le fait de rebâtir des ruines, les Palestiniens doivent gérer eux-mêmes leur relèvement.
Le besoin de justice et de responsabilité
Aucun cessez-le-feu ne peut durer sans justice. Le silence de l’accord sur la responsabilité pour les crimes de guerre et les victimes civiles risque de banaliser l’impunité. Les organisations de défense des droits humains ont documenté des violations systématiques : bombardements indiscriminés, punitions collectives, ciblage d’infrastructures civiles.
L’absence d’enquête indépendante envoie un message dangereux : les vies palestiniennes peuvent être pleurées, mais pas défendues.
La justice n’est pas basée sur la vengeance : elle est le fondement de la paix. Sans elle, le cycle de la violence et de la revanche continuera, et chaque nouvel accord s’effondrera sous le poids de l’abus, de l’oppression et de l’injustice.
Une vision d’avenir
Jean, l’auteur du livre de l’Apocalypse, exilé sur l’île de Patmos, eut une vision. Il vit la chute des empires terrestres et la venue du Règne de Dieu. C’est cette vision que nous espérons : celle d’un royaume juste et pacifique. Il écrit (Apocalypse 21.1 à 22.5) :
1Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n'était plus. 2Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la ville sainte, la Jérusalem nouvelle, prête comme une mariée qui s'est parée pour son mari. 3J'entendis du trône une voix forte qui disait : La demeure de Dieu est avec les humains ! Il aura sa demeure avec eux, ils seront ses peuples, et lui-même, qui est Dieu avec eux, sera leur Dieu. 4Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.
5Celui qui était assis sur le trône dit : De tout je fais du nouveau. Et il dit : Ecris, car ces paroles sont certaines et vraies. 6Il me dit : C'est fait ! C'est moi qui suis l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin. A celui qui a soif, je donnerai de la source de l'eau de la vie, gratuitement…
23La ville n'a besoin ni du soleil ni de la lune pour y briller, car la gloire de Dieu l'éclaire, et sa lampe, c'est l'agneau. 24Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y apporteront leur gloire. 25Ses portes ne se fermeront jamais pendant le jour – or là il n'y aura pas de nuit. 26On y apportera la gloire et l'honneur des nations. 27Il n'y entrera jamais rien de souillé, ni faiseur d'abomination ou de mensonge, mais ceux-là seuls qui sont inscrits dans le livre de la vie de l'agneau.
1Il me montra un fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l'agneau. 2Au milieu de la grande rue de la ville et sur les deux bords du fleuve, un arbre de vie produisant douze récoltes et donnant son fruit chaque mois. Les feuilles de l'arbre sont pour la guérison des nations. 3Il n'y aura plus de malédiction. Le trône de Dieu et de l'agneau sera dans la ville. Ses esclaves lui rendront un culte ; 4ils verront son visage, et son nom sera sur leur front. 5La nuit ne sera plus, et ils n'auront besoin ni de la lumière d'une lampe, ni de la lumière du soleil, car c'est le Seigneur Dieu qui les éclairera. Et ils régneront à tout jamais.
Dans cette vision, il y a une pluralité de peuples et de nations. Chacun apporte sa richesse et sa beauté. Il n’y a pas de religion, car Dieu est connu et visible de tous. Il n’y a rien de mauvais ou de corrompu, car la justice et la vérité règnent. Et il y a guérison, non pour une seule nation, mais pour toutes.
La beauté de la réconciliation et de la justice, c’est qu’aucune nation, aucun peuple n’est favorisé au détriment d’un autre. Tous ont un avenir de paix et de justice, pour eux-mêmes et pour leurs enfants.
***
Nous remercions Dieu qu’il y ait une trêve dans la violence, mais ce n’est qu’un commencement. Un cessez-le-feu n’est véritablement bon que s’il ouvre la voie à la justice, à la réconciliation et à la paix (salaam/shalom).
Si les injustices du passé ne sont pas reconnues et réparées, aussi humainement que possible, le cessez-le-feu aura été vain, et les souffrances des peuples, des familles et des sociétés dépourvues de sens. Nous prions pour la paix et nous nous engageons à œuvrer pour la justice et la réconciliation.
Salim Munayer (coordinateur régional du Réseau Paix et Réconciliation pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de l’Alliance évangélique mondiale, fondateur de Musalaha à Jérusalem, Israël)
Justin Meyers (pasteur réformé et directeur du Centre Alamana, Muscat, Oman)