"Mon identité n'est pas mon orientation sexuelle"

lundi 25 novembre 2019 icon-comments 3

Les homosexuels sont pluriels. Loin des lobbys gays qui revendiquent le mariage pour tous, ou des enquêtes qui dénoncent l’homophobie des « thérapies de conversion », Joachim parle d’une identité surfaite qui réduirait tout son être s’il l’endossait. « J’ai des attirances pour les personnes de même sexe, mais ne suis pas que cela. J’ai en outre suivi des cours de « Torrents de vie », qui ne m’ont ni détruit, ni guéri de mes penchants, mais accompagné pour un temps sur mon chemin de vie. » Rencontre.

Trente ans, psychologue de formation, Joachim slalome souriant entre les tables du café-restaurant, commande un dessert au chocolat et parle sans détour : « Je suis quelqu’un qui a des attirances homosexuelles. Mais mon identité n'est pas ma préférence pour les personnes de même sexe. Et je n’aime pas que l’on parle à ma place. » Né dans une famille évangélique du Jura bernois, il transite actuellement de l’église ICF à C3. S’il a fait son coming-out pendant son gymnase (vers 17-18 ans ndlr), il a suivi il y a dix ans une formation « Torrents de vie » à Bussigny (VD) qui ne l’a ni détruit, ni traumatisé. « Cela n’a toutefois pas changé radicalement ma vie. J’ai appris des choses. Mais il faut souligner que je n’y ai rien vécu en termes de violence comme ce que le film Boy erased1 dénonce. » La voix de Joachim tranche aussi face au livre fraîchement paru « Dieu est amour »2 de deux journalistes français qui ont infiltrés les milieux qui veulent, disent-ils, « guérir » les homosexuels. Nous avons voulu l'entendre.

-          Pourquoi ne pas vous accepter comme homosexuel ?

Est-ce que vous entendez par là vivre une sexualité homosexuelle ? Je l’ai vécue, mais elle ne m’a pas satisfait. J'ai à chaque fois eu de l’affection pour mon partenaire, mais j’étais envieux, je jalousais ses caractéristiques physiques et psychologiques. C’est comme si je recherchais chez l’autre ce qui me manquait. J’avais le sentiment de me perdre dans le même que moi-même. Comme s’il m’apportait ce qui n’était pas développé en moi. Un peu comme si ma masculinité se trouvait à l’extérieur de moi-même. Aujourd’hui, je veux décentrer la sexualité de qui je suis. J’ai des attirances homosexuelles, mais ne suis pas homosexuel. Pour moi, réduire l’identité à une attirance n’est pas pertinent.

-          N’avez-vous pas l’impression de renier qui vous êtes ?

J’ai aujourd’hui au contraire l’impression d’être plus sincère. Encore une fois, j’ai des attirances homosexuelles, mais j’ai le sentiment que vivre une sexualité homosexuelle me fait renier mes vrais désirs qui sont des désirs de réconciliation avec moi-même, avec ma masculinité. J’ai pratiqué ce qu’on appelle le « détachement défensif » en psychologie et qui consiste à se couper de figures d’attachement qui sont perçues comme nocives. Je pense en fait avoir beaucoup souffert de stéréotypes de genres. Je voyais dans la masculinité un modèle très rigide. J’ai par ailleurs découvert la grâce de Dieu qui m’accepte, comme je suis, sans condamnation en Jésus, et qui me permet de m’interroger sur mes motivations en toute sécurité.

-          Comment en êtes-vous venu à faire un cours de type « Torrents de vie » ?

Mes parents me l’ont proposé. Parallèlement et avant de le débuter, des choses me revenaient en mémoire en lien avec mon enfance, une colère contre mon père et ma mère dont l’exemple de couple m’avait blessé. J’ai pu leur en parler. Je me suis dit que cela avait un sens de creuser cela.

-          Ce cours était-il violent ?

Je crois qu’objectivement, je peux dire que non.

-          Qu’y avez-vous appris ?

J’ai pu revisiter mon vécu familial, comprendre combien la projection de mes carences de l’enfance étaient présentes, portaient préjudice à mes relations présentes et me gardaient prisonnier.

-          Comment expliquez-vous la fureur que ce genre de démarches suscitent ?

Des personnes à la tête de ce genre de cours peuvent avoir de mauvaises motivations ; je pense au film Boy erased. Il existe en outre différentes démarches, dont certaines sont très nuisibles. Des amalgames sont alors faits et tous ces cours sont du coup déclarés menaçants et dangereux.

-          Plusieurs homosexuels chrétiens parviennent à concilier leur sexualité et leur foi chrétienne. Pourquoi pas vous ?

Je considère concilier mon attirance homosexuelle et ma foi chrétienne. C’est simplement que je ne désire pas avoir une sexualité en dehors du cadre biblique de la sexualité, car je pense qu’il y a mieux pour moi que ce que j’ai vécu dans mes expériences passées. Je pense avoir en moi ce qu’il faut sans avoir besoin de me noyer dans un autre individu, sans devoir m’emparer chez l’autre de quelque chose qui me manquerait. Je crois qu’il y a une partie de moi, encore atrophiée, qui doit être développée.

-          Ne vous dites-vous pas au final ne pas être en couple parce que vous n’auriez pas rencontré l’homme de votre vie ?

Aujourd’hui, je ne suis pas frustré de ne pas être avec un homme. La plupart du temps en tout cas. Il faut dire que dans une telle relation, je n’ai jamais vécu ce don pour l’autre qui me semble essentiel dans une relation de couple.  

Propos recueillis par Gabrielle Desarzens

1 Boy erased : Sorti en 2018, ce film raconte l'histoire vraie de Jared Eamons, le fils homosexuel d'un pasteur baptiste dans une petite commune rurale des États-Unis, où son orientation sexuelle est brutalement dévoilée à ses parents à l'âge de 19 ans. Craignant le rejet de sa famille, de ses amis et de sa communauté religieuse, Jared est poussé à entreprendre une thérapie de conversion. Il y entre en conflit avec le thérapeute principal. Le film montre une pratique de « guérison » scandaleuse.

2 « Dieu est amour », enquête, infiltrés parmi ceux qui veulent « guérir » les homosexuels », de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Flammarion : 2019.

3 réactions

  • Sylvie RG mardi, 26 novembre 2019 11:23

    BRAVO pour votre authenticité

  • Werner Loertscher mardi, 03 décembre 2019 15:32

    Merci Joachim pour votre témoignage honnête et courageux, ça fait du bien de vous lire et ça apporte un vrai éclairage dans la guerre médiatique actuelle.

  • Joachim jeudi, 05 décembre 2019 19:25

    Merci pour vos encouragements !

Publicité
  • Surmonter les abus au fil d’un conte

    Surmonter les abus au fil d’un conte

    Il était une fois… une enfant abusée, dont les larmes sont recueillies par une grenouille qui l’accompagne jusqu’au Roi d’un royaume fabuleux. Dans cette histoire, la psychologue Priscille Hunziker parle de la prise en compte de la souffrance. « Le voyage que fait la petite Emmy, c’est la métaphore d’un accompagnement psycho-spirituel », dit-elle mercredi 6 avril. Rencontre.

    jeudi 07 avril 2022
  • Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Au Liban, les habitants vivent l’intensité de la vie face à l’intensité de la mort, selon les mots du théologien et prêtre maronite Fadi Daou rencontré à Genève. Il invite notamment ses concitoyens à devenir des sauveurs… sur les pas de Jésus.

    mardi 21 décembre 2021
  • Noël, ou sortir de nos jugements

    Noël, ou sortir de nos jugements

    Thierry Lenoir est aumônier à 100% à la clinique de La Lignière à Gland. Cet ancien pasteur adventiste parle de l’esprit de Noël en termes de jugements moraux, sociaux et religieux à mettre de côté. Une réflexion qu’il partage dans l’émission Hautes Fréquences diffusée dimanche 19 décembre à 19 heures sur RTS La Première.

    mercredi 15 décembre 2021
  • « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    On investit dans nos carrières professionnelles, dans nos maisons… mais pas assez dans notre couple. C’est le constat que dressent Marc et Christine Gallay, le couple pastoral de l’église évangélique (FREE) de Lonay. Qui pratique avec bonheur une méthode dite « Imago », qui met la cellule de base créée par Dieu à l’honneur. Rencontre.

    lundi 01 novembre 2021
  • « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    Il y a quelques années, un trafic d’enfants proposés à l’adoption à des couples suisses secouait l’actualité. Sélina Imhoff, 38 ans, pasteure dans l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin, en a été victime. Elle témoigne avoir appris à accepter et à avancer, avec ses fissures, par la foi. Et se sentir proche du Christ né, comme elle, dans des conditions indignes. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Des choix porteurs de vie

    Des choix porteurs de vie

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

    vendredi 22 septembre 2023
  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

    jeudi 15 juin 2023
  • « Auras-tu été toi ? »

    « Auras-tu été toi ? »

    Elle puise dans le judaïsme de quoi nourrir sa foi chrétienne. La théologienne et pasteure Francine Carrillo écoute, calligraphie et fait parler les lettres hébraïques qui, selon elle et avec toute la tradition juive, sont porteuses de sens et d’espérance. Rencontre.

    lundi 20 juin 2022

eglisesfree.ch

LAFREE.INFO

  • HelloBible : une IA au service de la Bible

    Ven 03 mai 2024

    Déjà testée par un millier de personnes, l’application HelloBible sera accessible sur Google Play et App Store en juillet. Cette intelligence artificielle permet aux utilisateurs de partager avec elle leurs préoccupations personnelles ou de poser des questions sur la Bible, afin d’obtenir des réponses bibliques sous forme de conversation, qu’ils peuvent approfondir. HelloBible a été imaginée par Éric Célérier, fondateur des sites TopChrétien, ConnaitreDieu ou encore Jesus.net.

  • Cours Just People (3): les Objectifs de développement durable en question

    Ven 26 avril 2024

    La troisième rencontre du cours « Just People » a été consacrée aux Objectifs de développement durable (ODD) et à l’Agenda 2030. Benjamin Gasse, directeur de l’association humanitaire Morija, nous explique pourquoi l’Agenda 2030 ne sera pas tenu. Il met également en évidence les atouts des chrétiens pour participer à l’avancement des ODD.

  • Antisémitisme : les Eglises invitées à signer une lettre en soutien aux communautés israélites

    Ven 26 avril 2024

    En amont de la Journée de commémoration de la Shoah (le 6 mai), et face à la montée décomplexée de l'antisémitisme, les Eglises sont invitées à montrer leur solidarité et soutien aux communautés israélites. Cette action est proposée par David Bouillon, professeur à la HET-PRO et l'un des responsables du ministère Guesher, de la Montagne de Prière à Saint-Loup.

  • Le « Quart d’heure pour l’essentiel » centré sur les Jeux Olympiques 2024

    Ven 26 avril 2024

    Une nouvelle édition du « Quart d’heure pour l’essentiel » sera diffusée à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris. Pour témoigner de Jésus à votre voisinage ou localité, il est possible de soutenir la distribution du tout-ménage en Suisse romande.

Instagram

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !