Regina et Hervé Di Nocera: une année pour lutter contre la pauvreté relationnelle Nord-Sud

mardi 07 mars 2006

Partir une année à Madagascar, c’est ce qu’a vécu la famille Di Nocera d’Ollon (VD) en 2004-2005. Regina et Hervé sont enseignants. Ils ont fait l’expérience d’un échange avec Madagascar. Un séjour qui s’inscrit dans le deuxième Objectif du Millénaire pour le développement de l’ONU : « Assurer l’éducation primaire pour tous ». Mais qui a d’abord contribué à créer des ponts et à réduire le fossé relationnel Nord-Sud. Découverte.

« A coup sûr notre séjour à Madagascar a permis de faire reculer la pauvreté de relations entre le Nord et le Sud ! » Regina et Hervé Di Nocera sont enseignants à Aigle. Avec leurs trois enfants de 11, 9 et 6 ans, ils ont passé l’année scolaire 2004-2005 à Antananarivo dans le cadre d’un échange de personnes, organisé par le DM-échange et mission. Les Di Nocera ne se montent pas la tête. Leur court séjour dans un pays pauvre n’a pas constitué un apport majeur dans la lutte contre la pauvreté économique sur la planète. Mais du point de vue relationnel, c’est tout différent !
« En partant, nous ne connaissions même pas le deuxième Objectif du Millénaire pour le développement : « Assurer l’éducation primaire pour tous », relève Hervé Di Nocera. Nous en avons entendu parler sur place par des politiques et des journalistes ». Ils soulignaient les efforts des autorités malgaches pour ouvrir davantage de classes, former plus d’enseignants et parvenir à scolariser le plus d’enfants possible d’ici 2015.

Enseigner à des classes de 50 élèves
Pour Regina et Hervé, en arrivant à Madagascar, c’est le choc. Enseigner à des classes de 50 élèves avec des moyens tout ce qu’il y a de plus rudimentaires, ça n’est pas évident, malgré une expérience précédente en Côte-d’Ivoire ! « Surtout au moment de corriger les dissertations ! » se rappelle Hervé Di Nocera. Il enseigne  dans un quartier populaire d’Antananarivo, au collège  protestant Rasalama, une institution membre des écoles de la FJKM, l’Eglise réformée malgache. Il a deux classes en face de lui pour du français : une correspondant à des 8e en Suisse et une autre à des gymnasiens. Il a aussi pour mandat d’aider les enseignants en français à améliorer leurs prestations. « C’était facile pour nous de lancer de nouvelles pistes d’enseignement de la langue de Voltaire. Nous étions bien nourris, nous avions un toit sur la tête, alors que nos collègues avaient comme horizon premier : la survie ! » Un enseignant malgache gagne entre 60 et 100.- CHF par mois, un salaire qui contraint à exercer des petits boulots à côté, si l’on a charge de famille.
Regina Di Nocera s’engage dans l’école primaire Rasalama. La directrice souhaite aussi améliorer la formation des enseignants en français. Regina, originaire de Kreuzlingen en Thurgovie, apprend à ses collègues malgaches, le mercredi après-midi, la didactique du français ainsi que des comptines et des chansons pour donner un tour plus oral à l’apprentissage de la langue. Le mercredi matin et le jeudi matin, elle accompagne les enseignants dans leur classe. « Ces temps de partage avec des collègues malgaches restent pour moi des moments inoubliables », relève-t-elle.

Le premier des OMD : intensifier les relations Nord-Sud !
« A mon sens, le premier des Objectifs du Millénaire pour le développement devrait être d’intensifier les relations Nord-Sud, lance Hervé Di Nocera. Si on avait davantage de relations les uns avec les autres sur cette planète, la lutte contre la pauvreté s’intensifierait ! » Des relations de qualité sur place, les Di Nocera en ont tissées. Leur statut d’étrangers dans une société qu’ils ne connaissent pas les a contraints à privilégier la rencontre. « On s’est même mis à tenir un journal quotidien de ces rencontres et nous en avons fait d’extraordinaires », constate Hervé. Aujourd’hui encore la famille Di Nocera reçoit du courrier dans lequel on les remercie de ne pas oublier les amis malgaches. « Sur place, nous avons été des « encourageurs ». En encourageant nos collègues enseignants, nous avons aussi été extraordinairement encouragés ! »
De retour à Aigle, en classe d’accueil pour Regina, en classe d’accueil et dans le secondaire pour Hervé, les ponts tissés avec Madagascar se développent. Regina a fait le tour des petites classes pour demander aux enseignants s’il y avait de l’intérêt pour des échanges avec des classes malgaches. Une enseignante s’est prise au jeu. Enthousiaste, elle a encouragé ses collègues à s’engager dans cet échange. Avec succès ! A l’occasion de Noël, en collaboration avec ses collègues, elle a fait parvenir un courrier à Madagascar. Fin janvier, les classes enfantines et primaires de la Planchette à Aigle recevaient des photos et des lettres des classes partenaires, des dessins et quelques beaux objets confectionnés par les élèves. « Dans le primaire à Aigle, il y a beaucoup d’enfants étrangers, explique Regina Di Nocera. Un tel échange a suscité l’enthousiasme. Il a permis par ricochet à ces enfants de découvrir que leur pays d’origine était aussi valorisé par un tel échange ! »

Continuer de créer des ponts avec Madagascar
« Nous souhaitons continuer à créer des ponts entre Madagascar et la Suisse », ajoute Hervé Di Nocera. Il le fait dans l’Eglise évangélique d’Aigle que sa famille fréquente et au travers de présentations de son expérience dans différentes paroisses réformées. Il souhaite aussi le faire en encourageant les enseignants à saisir ces opportunités d’échange comme des occasions uniques. « Dans le canton de Vaud, les enseignants peuvent prendre un congé sabbatique de 6 mois. Une expérience dans un autre contexte devrait toujours être encouragée ! Que ce soit dans le Sud ou ailleurs ! lâche Hervé. Les enseignants du Sud ont besoin de ces contacts... et nous aussi, sans nécessairement en avoir conscience ! » Les Di Nocera se verraient bien repartir. Mais pas tout de suite. Il faut laisser aux enfants le soin de se remettre d’un face à face avec la pauvreté qui les a parfois déstabilisés!

Serge Carrel

  • Encadré 1:

    Bio express
    Regina et Hervé Di Nocera vivent à Ollon (VD). Ils enseignent à Aigle dans une classe d’accueil d’enfants étrangers pour Regina, dans une classe d’accueil et dans le secondaire pour Hervé. Regina enseigne l’allemand, ce que ses origines thurgoviennes facilitent, et les mathématiques. Hervé, d’origine française, enseigne le français, l’histoire et la géographie.
    Ils se sont rencontrés en Côte-d’Ivoire, alors qu’Hervé effectuait son service civil et Regina s’occupait d’enfants de missionnaires. Aujourd’hui, ils ont 3 enfants : Kevin 11 ans, Célia 9 ans et Emmanuel 6 ans. Du point de vue ecclésial, ils fréquentent l’Eglise évangélique Châble-Croix à Aigle (AESR).

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