D’un point de vue biblique, la santé implique la restauration relationnelle

Propos recueillis par Sandrine Roulet vendredi 03 novembre 2023

Notre système de santé offre, techniquement, une médecine de pointe. Mais ses limites sont manifestes sur le plan humain, social et économique. Ce constat, ainsi que sa propre expérience, ont amené le Docteur Raymond Bossy à creuser différentes conceptions concernant la santé. Dans son livre, « La santé à la dimension du cœur de Dieu »[1], il livre le fruit de ses réflexions sur les notions de maladie et de guérison, dans la vision biblique. Entretien avec ce spécialiste en médecine physique et en réadaptation. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

Vivre – Selon l’OMS, la santé « est un état de complet bien-être physique, mental et social, ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Pourquoi cette définition ne vous semble pas appropriée ?

Raymond Bossy – Pour au moins trois raisons : la première est qu’elle ne définit pas ce qu’il en est de l’être humain lorsqu’il ne se trouve ni dans un état de complet bien-être (état paraissant presque utopique), ni malade ou infirme. Or, c’est probablement la situation d’une majorité de gens. Deuxièmement, elle ne précise pas en quoi consiste réellement cet état de complet bien-être, et qui le définit comme tel. Est-ce la personne elle-même (même dans un état de conscience altéré), ses proches, les médecins, les autorités politiques ? Et enfin, elle ne tient pas compte de processus témoignant, à mon sens, de réactions saines, dans lesquels l’on n’est pas en état de complet bien-être, comme toute forme de deuil, de remise en question, de repentance, etc.

En creusant le concept de santé, dans la Bible, vous avez été surpris de découvrir qu’elle ne se rapporte pas à un état, mais est une notion relationnelle. Pouvez-vous développer cette idée ?

Nous avons l’habitude, du moins en Occident, de considérer les choses de façon égocentrée. Nous définissons ainsi la santé à partir de notre personne, comme étant en état de complet bien-être, de paix, ou d’harmonie. Dans la Bible, la référence est l’ensemble de la création. La santé qualifie la place de l’être humain vis-à-vis du Créateur, des autres êtres créés, de lui-même et du reste de la création. De plus, elle ne se rapporte pas à une émotion ou à un vécu, mais à une qualité relationnelle basée sur la confiance, en premier lieu vis-à-vis de Dieu.

Jésus fait un parallèle étroit entre malades et pécheurs. Mais toute maladie n’est pas la conséquence d’un péché et chaque péché n’engendre pas une maladie…

Effectivement, même si les juifs, et nous à leur suite, avaient tendance à vouloir chercher une relation directe entre la maladie d’une personne et un péché qu’elle aurait commis, Jésus porte sur le malade et sur la maladie un éclairage différent : il rappelle la dimension communautaire de la maladie, à savoir que lorsqu’une personne est malade, cela concerne l’ensemble de la communauté, car nous sommes tous atteints de la maladie humaine du péché (de notre détournement vis-à-vis de Dieu) ; certaines de ses manifestations, que sont les maladies, nous responsabilisent ainsi tous. Ensuite, il nous engage à voir au-delà de l’apparence des maladies, pour discerner notre maladie humaine, afin que nous fassions des choix de vie et de guérison, pour nous comme pour les autres membres de la communauté.

Dans la Bible, on trouve des conseils pour garder la santé, souvent en lien avec le fait de pratiquer la justice. Pouvez-vous en mentionner un ?

On pourrait en mentionner de nombreux. Il y a par exemple le fait d’être vrai les uns vis-à-vis des autres. Cela nous engage dans des relations de confiance, de respect, d’humilité, d’honnêteté, terrain nécessaire à nos guérisons relationnelles, à nos réconciliations, pour autant évidemment que la vérité soit vécue et partagée dans l’amour.

Dans les Evangiles, les guérisons accompagnent la proclamation du Royaume de Dieu. Que manifestent-elles ?

En effet, ces guérisons n’existent pas pour elles-mêmes, elles sont données pour manifester le cadre du Royaume de Dieu (il est ici et maintenant, avec Jésus comme Seigneur et ses disciples comme collaborateurs), sa nature (il apporte la restauration des relations) et ses fruits (il replace chacun sous le regard de Dieu, devant ses responsabilités et devant une réalité qui transforme notre réalité).

Dans son besoin de guérison, l’humain a sa part à jouer. Comment peut-il collaborer avec Jésus ?

Jésus ne s’impose pas ; il vient toujours à la rencontre de l’autre dans le respect de sa liberté et de sa responsabilité. Il lui arrive régulièrement de remettre en route la personne atteinte dans sa santé : « Lève-toi ! », « Prend ton lit et rentre chez toi ! », « Aie confiance, ta foi t’a guérie ! », etc. Pour commencer, il appartient à l’être humain de reconnaitre son besoin de guérison – il est difficile de guérir celui qui ne se considère pas comme malade – et ensuite de prendre ses responsabilités dans ses relations et ses choix de vie.

Dans l’approche médicale de Dieu, la guérison est plus large que le rétablissement fonctionnel d’un organe. En quoi consiste-t-elle ?

De la même manière que la santé, au sens biblique, dépasse le cadre de l’individu et son « bien-être », que la maladie se rapporte à plus que les contours de son être, la guérison touche au rétablissement de sa place dans la création, à savoir à son identité, à son héritage, à la juste mise en perspective de ses relations.

Vous citez cette phrase de Nick Vujicic : « Si vous n’obtenez pas de miracle, devenez-en un ! » Une non-guérison peut-elle aussi constituer un témoignage ?

Personnellement, je suis davantage touché par une personne qui exprime la paix et la confiance en Dieu au cœur de la maladie, voire au seuil de la mort, que quelqu’un qui guérit miraculeusement sous mes yeux. Je trouve que cela ouvre à tous les possibles, sachant qu’aucune circonstance ne peut me séparer de l’amour de Dieu. Alors que voir une personne guérie peut me réjouir, m’impressionner, mais aussi me frustrer de ne pas vivre moi-même cette guérison miraculeuse.

« Etant de moins en moins traité comme un être précieux et unique, l’être humain manifeste davantage de maladies, ce qui engendre une augmentation des coûts de la santé et donc des mesures économiques contraignantes (restriction de personnel, stress, etc.) qui renforcent à leur tour son mal-être ». Face à ce cercle vicieux, quel rôle peut jouer le corps médical ? Et l’Eglise ?

C’est une grande et importante question, à laquelle je ne peux et ne veux répondre seul, tant elle concerne chacun avec sa sensibilité, ses dons et sa créativité. Quelques-unes des pistes que je verrais sont, pour le corps médical : redonner la priorité à l’être humain plutôt qu’à l’argent, à la relation plutôt qu’aux gestes techniques, à l’écoute plutôt qu’à l’orgueil et à la suffisance, à la compassion plutôt qu’à l’empathie (NB : un pervers peut aussi être empathique, car il jouit du malheur de l’autre). Pour l’Eglise : retrouver son héritage en ce qui concerne l’enjeu de la santé et de la guérison pour l’humanité ; retrouver la conscience de son implication et de sa responsabilité à l’égard de la vie sociale, communautaire, nationale, internationale ; choisir quotidiennement de suivre Jésus, qui est Guérison et Santé de toute la création.

 

Raymond Bossy, La santé à la dimension du cœur de Dieu », éd. Ourania, 2022.

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