Marie ou la nouvelle création à partir d’une femme, par Liliane Meylan

lundi 07 décembre 2009
Marie, la mère de Jésus, fascine. Dans les récits du Nouveau Testament, elle ouvre un chemin d’écoute, de disponibilité, d’accueil... et de soumission à la Parole créatrice de Dieu. Une attitude qui peut nous faire goûter à la spiritualité d’Emmanuel, Dieu avec nous.

Lentement le soleil disparaît. Bientôt la corne du sabbat va retentir. Marie de Nazareth, comme tous les vendredis, se hâte de terminer son ouvrage et d'allumer les lumières du sabbat. Elle a revêtu ses beaux vêtements et se réjouit de l'approche de cette fête hebdomadaire. En effet, pendant 6 jours il faut travailler, peiner, se dépêcher, mais le septième, Dieu invite l'homme à entrer dans son repos, dans sa paix, dans sa joie. Dieu invite de faire du sabbat ses délices (Es 58.13). Qui donc est-elle cette Marie? Toute la longue histoire de son peuple aboutit à elle, mais pour rebondir en s'élargissant. Le projet que Dieu avait formé pour Eve et qui semblait avoir échoué, voici qu'il le répare et le conduit à son accomplissement. Dieu prépare son plan de salut, comme une nouvelle création, à partir d'une autre femme.

Il s'agit d'une toute jeune fille que rien ne distingue extérieurement parmi ses compagnes. C'est une vierge d'Israël, petit pays qui a connu un destin glorieux, mais qui, à cette époque, ploie sous le joug romain. Elle habite un village dont le nom ne figure dans aucune des annales historiques : Nazareth. N'évoque-t-il pas ce rejeton qui doit fleurir sur la tige de Jessé et sur lequel reposera l'Esprit du Seigneur (Es 11.1) ?

Marie, une fille comme une autre
Elle porte un nom qui n'a rien d'extraordinaire, car plusieurs Marie ou Myriam étaient présentes dans l'entourage de Jésus. Un prénom fort courant dans ce temps-là. Pour ses proches, ses voisines, elle était la petite Marie, fiancée très jeune, comme c'était la coutume, à Joseph, le charpentier que l'on savait appartenir à la maison de David. Mais cette dynastie, avec les années, a perdu toute sa gloire.

La vie de Marie est celle de n'importe quelle autre femme de son temps qui vaque aux humbles tâches domestiques. Cette monotonie apparente est coupée par la célébration du sabbat qui ouvre une fenêtre sur le Royaume des cieux, et par les fêtes, surtout celles des pèlerinages. Lors de ces pèlerinages, on part en caravane joyeuse vers Jérusalem. De tout son coeur Marie devait chanter les Psaumes des montées, tout en levant les yeux vers les hauteurs : « Quelle joie quand on m'a dit : Allons à la maison du Seigneur! Enfin nos pieds s'arrêtent devant tes portes, Jérusalem » (Ps 122. 1-2).

« Réjouis-toi, fille de Sion ! »
Dans cette existence sans éclat, l'extraordinaire fait tout d'un coup irruption avec la visite de l'archange Gabriel, celui que Dieu charge des grandes missions. Celle qu'il salue avec solennité n'est plus la petite Marie de Nazareth, c'est la fille de Sion dont parlent les prophètes (Es 12.6; So 3.14; Za 2.14; 9.9). C'est elle qui est comblée de grâces et appelée à se réjouir. « Réjouis-toi, toi qui as la faveur de Dieu. Le Seigneur est avec toi. L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre » (Lc 1.28 et 35). L'ange s'adresse à Marie avec les mots du prophète Sophonie. L'Esprit évoque le premier matin du monde, lorsque la vie a surgi du chaos originel. L’ombre rappelle la nuée du désert, signe de la présence de Dieu qui accompagne son peuple.

Marie connaît ces paroles prophétiques; elle les a souvent méditées. Mais comment aurait-elle pu soupçonner qu'elle était directement concernée par elles? Comme cela lui arrivera tant de fois par la suite, elle ne comprend pas, mais de tout son être elle adhère à la volonté divine: « Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon ta parole » (Lc 1.38).

Tout s'est passé dans le silence, dans le recueillement du mystère. Dieu fait son entrée chez les hommes à l'abri d'une maison paisible et inconnue des randonnées touristiques. L'ange Gabriel a délaissé le temple construit par les hommes pour faire naître Dieu dans le sein d'une modeste jeune fille, temple du Saint-Esprit. Le mystère de Dieu ne peut s'exprimer que dans la maison du silence.

Une femme d’écoute
Marie en est bouleversée. Comment le silence de sa virginité pourrait-il donner le jour à la Parole de Dieu? Comment l'humble servante pourrait-elle être la mère du Roi éternel ? Les mots de Dieu bouleversent tout et seul le silence permet de les porter sans mourir de crainte. Et pourtant, les mots de Dieu sont vérité et ils vont se réaliser, mais dans le recueillement intérieur d'une jeune femme soudain féconde. L'Esprit Saint s'empare d'elle, mais c'est à peine une brise matinale et personne ne connaîtra le mystère. La puissance de Dieu la couvre de son ombre, discrètement, pour que dans la fragilité humaine s'élabore le corps du Fils de Dieu.

Dès lors, le silence de Marie devient acceptation, obéissance et foi. Elle laissera grandir en elle le fruit de Dieu en lui apportant cette seule participation que Dieu puisse bénir : une foi totale, humble et baignée de joie. David rêvait pour Dieu d'une demeure magnifique, gigantesque, digne de l'Infini. Mais Dieu renverse les puissants et renvoie les riches les mains vides. Sa demeure, il la veut avec les petits et les humbles. Il confie sa Parole à celle qui a assez aimé le silence pour ne pas confondre Parole et bavardage humain. Dieu a besoin de notre silence parce qu'il veut réaliser l'impossible pour nous. Saurons-nous accueillir son Esprit avec autant de recueillement intérieur que Marie, quand elle dit : « Qu'il me soit fait selon ta parole » (Lc 1.38) ?

(D’après Rita Geftman, L’offrande du soir (Paris, Cerf, 1994) et Marcel Bastin, Dieu pour chaque jour)
 

Liliane Meylan
Conseillère en relation d’aide et visiteuse de prison

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