"La mort d'un fils unique..." Une réflexion d'Anne-Catherine Piguet

lundi 01 novembre 2010
Quoi de plus terrible que la mort d'un jeune? Ajoutez que ce fils était unique et sa mère veuve, et vous avez tous les ingrédients d'un drame familial. Dans de telles épreuves, où est Dieu? Comment peut-il laisser faire? Lecture de Luc 7. 11-17 : quand le Seigneur rencontre un convoi funèbre...
Pas d'assurances et pas de revenus! Telle était la situation des veuves au premier siècle. Alors quand le fils unique de cette veuve décède, le village entier est sous le choc. Il n'y a pas de mots pour décrire un tel malheur. C'est insupportable! Les villageois accompagnent la veuve. Tous sont muets d'effroi.

Ne pleure pas!
Et voilà que Jésus arrive, accompagné de ses disciples et d'une grande foule enthousiaste. Les deux cortèges ne se ressemblent pas... Jésus a-t-il le temps de s'arrêter? Sa marche victorieuse pour proclamer l'Evangile n'est-elle pas plus importante que le sort de cette pauvre femme? Eh bien non. Devant la misère de cette veuve, Jésus est saisi aux entrailles. Lui seul ose une parole, dans ce cortège de mort: « Ne pleure pas! » Quel toupet d'oser une parole si déplacée! Comment s'arrêter de pleurer dans un tel drame?
Jésus stoppe les porteurs, et donne un ordre... au mort! « Jeune homme, je te le dis, lève-toi! » Il suffit d'une parole pour que l'homme se redresse, s'asseye et se mette à parler. La pauvre veuve a retrouvé son soutien et le jeune homme est libéré de la mort. Quel miracle! Oui, Jésus est venu libérer l'humanité de tous ses malheurs. Il suffit d'une parole pour que tout change!

Motivé par l'amour
Jésus ne fait pas de miracles pour être la star. Il ne ressuscite pas le jeune homme pour en tirer un avantage personnel. Il agit par compassion envers la veuve: il lui donne son fils. Quel geste d'amour! Dieu a en réserve quantité de ces gestes qu'il nous accorde par pure grâce, par compassion. Il désire restaurer nos relations, en y mettant son amour. Un amour plus fort même que la mort!
La première réaction de la foule, c'est la peur. Face à un si grand pouvoir, elle reconnaît la présence même de Dieu. Jésus est bien plus qu'un simple homme: il est la Vie! Il peut même donner vie à un cadavre. Un seul cortège se forme: une immense foule chante à la gloire de Dieu!

Une foi plus grande?
Pourquoi Jésus vient-il dans ce village de Galilée, juste à ce moment-là? Pourquoi a-t-il ressuscité ce jeune homme-là, alors que tant d'autres sont morts sans que personne ne s'en soucie? La veuve et son fils n'avaient pas une foi hors du commun: on ne sait même pas s'ils étaient croyants! On peut imaginer qu'ils ont glorifié Dieu avec toute la foule, mais Luc ne le précise même pas.
La veuve et son fils n'ont rien fait de spécial pour mériter ce miracle. Ils n'ont même rien demandé! La seule «raison» valable, c'est que « le Seigneur fut pris aux entrailles » (v. 13). Dieu est saisi, en voyant ses créatures retenues dans les griffes du malin et de la mort. Lorsque nous sommes bénéficiaires d'un miracle, nous n'y sommes pour rien: c'est un acte incompréhensible d'amour et de grâce!

Du favoritisme?
La Bible parle souvent de la mort. Mais les résurrections sont rares. Que cela nous garde du triomphalisme! Jésus n'a jamais promis de ressusciter aujourd'hui tous les jeunes qui sont emportés par la mort. D'ailleurs, tous ceux qui ont été ressuscités ont fini par mourir et sont re-morts!
Le miracle n'est pas une démonstration de foi, mais une grâce particulière que Dieu accorde librement, quand il veut et comme il veut. Certains croyants ont obtenu des miracles, d'autres ont été persécutés. Mais comme le dit l'épître aux Hébreux, « Dieu a approuvé tous ces gens à cause de leur foi, et pourtant, aucun d'eux n'a reçu ce qu'il leur avait promis. C'est que Dieu avait prévu quelque chose de meilleur pour nous: ils ne devaient donc pas parvenir sans nous à la perfection » (11. 39-40).

Un cadeau exceptionnel...
Les miracles restent une exception, un cadeau de Dieu dans un temps particulier. Au quotidien, nous avons à marcher par la foi... et non à devenir des sortes de chouchous de Dieu qui, par une simple prière, pourraient obtenir en un clin d'œil tout ce qu'ils désirent! Les miracles ne servent pas à assouvir notre soif de miraculeux ou à réaliser tous nos petits désirs et plaisirs personnels. Dieu ne veut pas juste nous toucher d'un coup de baguette magique! Non, le Seigneur désire nous rencontrer et développer avec nous une relation d'amour vrai, authentique et qui dure toujours.

...qui annonce LA résurrection!
On s'est demandé pourquoi tous ne sont pas guéris et ressuscités. Mais on pourrait se poser la question inverse: pourquoi Dieu accorde-t-il des miracles, puisque de toute façon nous avons à marcher par la foi? Les miracles sont donnés pour attester du Royaume qui vient. Un peu comme lorsque vous êtes affamés, et qu'on vous fait goûter un petit morceau de l'entrée d'un grand banquet! La mise en bouche ne rassasie pas, mais elle nous aide à croire que le repas va venir. Elle nous aide à patienter aussi jusqu'à l'heure de la fête! Et pourquoi pas? Elle peut même nous inviter à jeûner, pour augmenter notre faim: ainsi, notre joie sera encore plus grande, lorsque débutera le festin!

Patience, patience...
Ici-bas, nous resterons toujours des affamés de justice, des assoiffés de l'amour de Dieu: « Comme une biche soupire après des courants d'eau, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant: quand irai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu? » (Ps. 42. 2-3). Ainsi soupiraient les fils de Koré, il y a 3000 ans déjà! Ce soupir n'a pas changé, face à tous les deuils que nous avons à affronter. Ce soupir est même un signe de bonne santé spirituelle! Comment pourrions-nous rester indifférents devant tous les malheurs de notre monde?
Jésus-Christ est le seul a avoir déjà reçu son corps de résurrection. Il n'est pas «juste» revenu à la vie, pour vivre comme avant. Il apparaît et disparaît devant ses disciples... alors qu'ils se tenaient dans une pièce fermée! Dans le Royaume de Dieu, le corps de résurrection a des propriétés nouvelles, que notre corps ici-bas n'a pas. Le fils de la veuve est revenu à une vie normale. Il a dû à nouveau lutter contre le mal et le péché. Sa résurrection est donc une ombre de LA grande résurrection: une vie nouvelle, avec des facultés exceptionnelles et pour toujours... dans la présence de Dieu!
Comme le dit l'apôtre Paul aux Corinthiens: « Lorsque le corps est porté en terre comme la graine que l'on sème, il est corruptible, et il ressuscite incorruptible; semé infirme et faible, il ressuscite plein de force et glorieux. Ce que l'on enterre, c'est un corps doué de la seule vie naturelle; ce qui revit, c'est un corps dans lequel règne l'Esprit de Dieu » (1Co 15. 42.44).

Deux cortèges pas si différents...
Au fond, le cortège de la veuve n'est pas si différent du cortège accompagnant Jésus: les deux vont enterrer un fils unique... Ainsi, la résurrection du fils de la veuve est une belle préfiguration de la résurrection du Fils de Dieu!
Comme la veuve, laissons nos cortèges funèbres croiser le cortège du Seigneur! Car même si notre chemin ici-bas conduit à la mort, Jésus est capable de nous donner une vie nouvelle, assortie de promesses extraordinaires: « Je transformerai leur deuil en allégresse, je les consolerai de leurs chagrins, oui, je les réjouirai... Mon peuple se rassasiera des biens que je lui offrirai, l'Eternel le déclare » (Jé 31. 13-14).

Anne-Catherine Piguet
Ergothérapeute et théologienne


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