En septembre dernier, l’Amitié judéo-chrétienne de Suisse romande a annulé une conférence de Jean-Jacques Meylan, intitulée « Israël et Palestine, entre promesses et réalités ». Suite à la parution du Dossier Vivre « Israël-Palestine : quelle coexistence ? Un point de vue évangélique inédit », le pasteur de la FREE qui préside actuellement la Communauté des Eglises chrétiennes du canton de Vaud (CECCV), devait donner une conférence le 27 septembre dans les locaux de la Communauté israélite de Lausanne. Une semaine avant la manifestation, l’Amitié judéo-chrétienne envoie un courrier à ses membres dans lequel elle annonce l’annulation pure et simple de cette conférence, sous prétexte que « cette présentation serait trop problématique pour avoir lieu dans ce cadre-là ».
« Difficile d’avoir une conversation sereine sur Israël dans ce cadre ! »
Pascal Veillon, président de l’Amitié judéo-chrétienne, a pris note de réactions très vives de représentants de la communauté juive, qui l’ont conduit à annuler cette conférence. A titre personnel, ce pasteur réformé à la retraite relève qu’il est extrêmement difficile de parler du conflit israélo-palestinien dans le cadre du groupe qu’il préside. « Les représentants juifs sont comme ‘enfermés’ dans leur fidélité à l’Etat d’Israël. Quelles que soient leurs convictions politiques fondamentales, ils ne parviennent pas à prendre de la distance. Ils considèrent que l’Etat d’Israël est trop attaqué pour laisser entrevoir la moindre faille. Chaque fois que l’on en parle, on ne parvient pas à avoir une conversation sereine ! », conclut-il.
« Un tissu d’incorrections historiques ! »
Du côté de Sarah Junod, membre israélite de l’Amitié judéo-chrétienne, on ne mâche pas ses mots. Elle considère le livre de Jean-Jacques Meylan et Guy Gentizon comme un tissu d’« incorrections historiques ». De plus, ajoute-t-elle, « les interlocuteurs d’ici sont trop mal équipés historiquement pour pouvoir discuter du conflit israélo-palestinien. Par ailleurs l’Amitié judéo-chrétienne ne traite pas de sujets politiques, mais de sujets théologiques. » Comme celui qu’elle vient de traiter personnellement au mois de novembre : « L’universalisme et le particularisme dans le judaïsme ».
Jean-Jacques Meylan : « Un ardent défenseur du prosélytisme à l’endroit des juifs »
Du côté de la CICAD, la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation à Genève, on a aussi protesté contre la tenue de cette conférence dans les locaux du centre communautaire de la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud. Johanne Gurfinkiel, le secrétaire général de cette association, n’a pas lu le livre de Jean-Jacques Meylan. Il a plutôt examiné ce qu’il trouvait à son propos sur internet. Au vu d’une interview que le pasteur de la FREE a accordée au feu-magazine Certitudes, Jean-Jacques Meylan serait « un ardent défenseur du prosélytisme encourageant la conversion des juifs au christianisme » !
Dans sa prise de position, la CICAD n’en reste pas là. Elle avance que, dans le canton de Vaud, le prosélytisme est « jugé contraire à la paix religieuse par la Loi », selon les dispositions adoptées en 2006 par le Grand Conseil, qui traitent des critères en vue de la reconnaissance d’intérêt public des communautés religieuses. Par conséquent, l’attitude de Jean-Jacques Meylan n’a rien à faire avec les activités de l’Amitié judéo-chrétienne, de surcroît dans les locaux de la communauté israélite lausannoise.
Un goût de ce que doivent ressentir les mouvements pacifistes juifs
Du côté de Jean-Jacques Meylan, qui revient tout juste d’un voyage de quatre semaines au Proche-Orient, c’est la surprise qui domine. « En fait, cette annulation m’honore, lâche-t-il après réflexion, parce qu’elle me fait ressentir ce que vivent mes amis juifs des groupes pacifistes comme La Paix maintenant, Bat Shalom ou Machsom Watch, qui cherchent le dialogue. » Pour le pasteur évangélique, le refus d’accueillir une discussion sur l’avenir d’Israël et de la Palestine dans le cadre de l’Amitié judéo-chrétienne constitue une forme de repli sur soi, le signe d’une incapacité à s’ouvrir à la réalité de l’autre. « Aucune fermeture n’est à jamais figée, lance-t-il, il faudra bien que les communautés apprennent à cohabiter harmonieusement sur la terre d’Israël-Palestine. »
Serge Carrel