Joël Edwards : le directeur international du Défi Michée dresse un bilan de 5 ans de campagne

vendredi 09 octobre 2009
Samedi 3 octobre, Joël Edwards, le directeur international du Défi Michée, participait à Berne à la journée annuelle de StopPauvreté 2015, la déclinaison suisse du Défi Michée. L’occasion de rencontrer cette personnalité britannique récemment nommée à cette fonction et de faire le point avec lui sur 5 ans de campagne menée sous l’égide de l’Alliance évangélique mondiale. Rencontre.

Quel bilan tirez-vous des 5 ans de campagne du Défi Michée ?
Ces 5 dernières années ont été très novatrices et très agitées pour beaucoup de gens au-delà de la communauté chrétienne, mais aussi entre chrétiens. Comment appréhende-t-on la vie d’un milliard de personnes qui vivent avec moins d’un dollar par jour ? Comment commence-t-on à trouver un langage et une stratégie pour donner sens à notre lutte ? Et puis comment fait-on pour promouvoir des réponses pratiques ? Voilà ce qu’a été notre défi pendant ces 5 années et voilà ce qu’est encore mon défi aujourd’hui.
Nous avons fait des progrès dont je suis très satisfait. 40 campagnes nationales ont été lancées autour de la planète, les unes plus fortes que les autres... Et le débat qui avait cours voilà 4 ans n’est plus aussi nouveau qu’alors, que ce soit pour les chrétiens, pour les politiciens, pour les décideurs ou pour les célébrités. Donc nous avons accompli un long chemin ! Et nous avons encore un long chemin devant nous !
 
Qu’est-ce qui a vraiment changé au travers de cette campagne ?
De nos 40 campagnes nationales, 28 se déroulent dans le Sud. La force de ce que le Défi Michée essaie de faire, provient d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Mais aussi de nombreux pays du Nord comme la France, la Suisse, la Grande Bretagne, les Etats-Unis ou le Canada. Durant ces 4 ou 5 dernières années, les relations entre le Nord et le Sud se sont renforcées. Nous avons énormément appris sur ceux que l’on appelle communément : les pauvres. Ils ont beaucoup de choses à nous offrir. La force du Défi Michée ne se trouve pas tant dans le Nord, mais dans ce que le peuple de Dieu dans le Sud va faire pratiquement pour susciter des changements sur le terrain. Il y a beaucoup d’initiatives qui viennent du Sud, notamment au travers de l’émergence de nouveaux responsables.

Il y a quelque temps déjà, Ban Ki Moon, le secrétaire général de l’ONU, a témoigné de son estime pour votre initiative. Qu’est-ce que cela a apporté au Défi Michée ?
Ça nous a beaucoup aidés. Voilà deux ans à Washington, lors d’une rencontre de plus de 150 responsables évangéliques, nous avons accueilli le secrétaire général de l’ONU. Il nous a dit que notre apport était très important pour la lutte contre la pauvreté sur la planète. Entendre cela de la bouche du secrétaire général de l’ONU, ça fait quelque chose ! Voilà deux ans aussi, le responsable africain de l’ONU pour la Campagne des Objectifs du millénaire pour le développement m’a dit : « Si les Eglises en Afrique adoptaient le Défi Michée, cela réduirait de moitié mon travail ! » C’est pour dire si nous sommes pris au sérieux !

Quels vont êtres les grands axes de votre action durant ces 5 prochaines années ?
Ce qui est très important, c’est de maintenir notre enracinement biblique. Le Défi Michée tire son nom du livre de la Bible qui s’appelle Michée. Au chapitre 6 et au verset 8 de ce livre, on peut lire : « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien et ce que l’Eternel demande de toi... c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde et que tu marches humblement avec ton Dieu... » Ça, c’est notre passage biblique de référence ! Donc notre défi pour les prochaines années, c’est de voir laquelle de nos 40 campagnes sera la mieux équipée pour réaliser du bon travail sur le terrain. Deuxièmement, ce sera aussi de nous interroger sur la manière d’être plus clair sur nos buts et sur ce que nous apportons de spécifique à cette cause. Troisièmement, notre défi sera de faire comprendre – et c’est très important ! – que le Dieu du bâtiment Eglise est le Dieu des pauvres, que Dieu est profondément intéressé à ce qu’un milliard de personnes quittent l’extrême pauvreté. Il y a là une stratégie pour dire le coeur de Dieu par rapport aux pauvres.

Pensez-vous vraiment que vous allez réussir à éradiquer de moitié la pauvreté sur la planète d’ici 2015 ?
Nous essayons de nous attaquer à l’extrême pauvreté, donc pas seulement à la pauvreté. Vous le savez sûrement : il y a une différence importante entre les deux. Bon ! vous avez raison : il y a là un défi extraordinaire. C’est évident que nous avons 130 ans de retard sur le programme ! Nous ne sommes pas aveugles, ni naïfs. Nous ne pensons pas que toutes les causes de pauvreté auront disparu d’ici 2015, mais à notre sens nous avons la responsabilité de faire deux choses. Tout d’abord de motiver partout les chrétiens à faire leur part du travail. Ce que nous pouvons faire, nous allons continuer à le faire et à opérer des différences là où nous nous engageons. Nous souhaitons ensuite encourager les politiques à tenir leurs promesses. 191 gouvernements se sont engagés dans ce projet. Il y a des poches de succès : une meilleure éducation primaire, de meilleures réponses à des maladies comme le sida ou la malaria... Mais beaucoup d’Objectifs du Millénaire comme la suppression des différences entre hommes et femmes, n’ont que peu évolué ! Un demi million de femmes perdent chaque année la vie en mettant au monde leur enfant. Voilà un objectif autour duquel il n’y a pas vraiment de progrès. Les carences alimentaires sont aujourd’hui plus sérieuses à cause de la crise économique actuelle. Quelques-uns des progrès qui ont été enregistrés, sont en repli. Nous avons donc encore un long chemin devant nous, mais chaque fois que nous voyons le visage d’une famille ou d’un individu dont la vie a été transformée par ce que des chrétiens font dans le monde pour lutter contre la pauvreté, nous sommes encouragés à faire un pas supplémentaire.

Quelle est la motivation biblique fondamentale de votre engagement dans le cadre du Défi Michée ?
Entre nous - c’est mon côté un peu pentecôtiste... - lorsque j’ai eu 19 ans, peu après que j’ai reçu le baptême dans le Saint-Esprit, le Seigneur m’a parlé très fortement à partir d’Esaïe 61 : « Le souffle du Seigneur est sur moi, car le Seigneur m’a conféré l’onction. Il m’a envoyé porter une bonne nouvelle aux pauvres... » Et le thème de la justice est devenu très fort dans ma vie personnelle. Esaïe 58 m’a parlé aussi très fortement personnellement, un peu à la manière dont il nous parle aujourd’hui à nous qui sommes membres de cette famille du Défi Michée.
Plus généralement, ce qui me motive dans mon action aujourd’hui, c’est d’encourager le plus grand nombre d’évangéliques à se lancer dans une activité de plaidoyer en soulignant que c’est aussi tout à fait biblique. Moïse était un activiste social complètement passionné par la libération du peuple de Dieu ! Il est même allé jusqu’à tuer un Egyptien et à prendre la fuite pour échapper à la sanction ! Une fois de retour en Egypte, il est allé dire au Pharaon : « Laisse aller mon peuple ! » Voilà ce que nous entendons par une démarche de plaidoyer. Nous aimerions prendre avec nous les Eglises dans cette transition entre l’Evangile prêché depuis la chaire, l’Evangile vécu au travers d’actions concrètes et l’Evangile annoncé au travers de la proclamation de la justice et au travers de défis prophétiques lancés aux gouvernements. En fait, tout cela n’est qu’une seule et même chose. C’est le parcours du Défi Michée au plan international. Et c’est le voyage auquel nous aimerions convier les chrétiens qui souhaitent nous rejoindre pour ce pèlerinage en faveur de la justice.

Propos recueillis par Marcel Telliano (DieuTV) et mis en forme par Serge Carrel (lafree.ch)

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