« J’ai vécu trente ans de galère en tant que toxicomane. » Jean-Daniel Piller a 53 ans. Il est père de 4 enfants. Remarié. Travaille dans une entreprise de transport. Et gère au mieux les conséquences de ses trois décennies de défonce et « de deal par métier et association de malfaiteurs », selon la condamnation de la justice.
« Je m’envoyais moi-même en enfer ! »
En 2005, il se retrouve en prison à Fribourg, puis à Bulle, après 30 ans de toxicomanie. Là, il renoue avec Dieu. « Dieu faisait partie de mon parcours, explique-t-il, mais je n’arrivais pas à m’abstenir de drogues. J’avais l’impression d’être allé trop loin et que toute relation avec Dieu était coupée. Je m’envoyais moi-même en enfer ! » Là, au fond de sa cellule, une nuit, il entend une voix : « Quand tu as appris à marcher à tes enfants, tu n’as jamais compté le nombre de fois où ils sont tombés. Moi aussi, je ne compte pas. Donne-moi la main, tu peux te relever ! »
Jean-Daniel Piller a de la peine à accepter le rappel de cet amour inconditionnel de Dieu, de cette grâce du Seigneur qui ne connaît pas de frontières. Mais le lendemain, lorsqu’il sort de sa cellule, il y a un couac entre gardiens. Une porte qui devait être ouverte reste fermée. Elle dévoile une série de billets qui y ont été collés. L’un d’entre eux propose la visite d’un aumônier. Trois jours plus tard, un pasteur lui rend visite et commence alors un dialogue où Jean-Daniel découvre la pertinence de la parole entendue. « Oui, la logique de Dieu n’est pas la mienne. Oui, Dieu relève. Oui, sa grâce dépasse notre compréhension… Ça a été le point de départ qui m’a conduit à faire alliance avec Dieu. C’était il y a 10 ans. »
Le dur combat de la résilience
La reconstruction prend du temps. Elle touche l’entier de sa personne : la dimension physique, psychique, relationnelle, pécuniaire… Il y a tout d’abord l’arrêt de la consommation de produits. « J’ai dit à Dieu que s’il ne changeait pas mon cœur, je n’avais aucune chance de sortir de ma situation. » Il n’y a pas que le cœur à changer, il y a aussi la manière de penser, la manière de voir le monde. « Cela faisait plusieurs années que je ne travaillais plus et que je dépendais des ‘sociaux’ », souligne-t-il. Son incarcération lui permet de prendre de la distance avec son milieu, puis son entrée dans un foyer de réinsertion favorise la mise en place de nouveaux comportements. Mais les difficultés ne font que commencer : le passé ne cesse de le rattraper, les dettes, le procès, le jugement… « Le système n’est pas conçu pour quelqu’un qui souhaiterait vivre une réinsertion », lâche-t-il. L’absence d’incitations à l’abstinence et au sevrage lui donne à penser que l’Etat préférerait le voir continuer à consommer sa méthadone, plutôt que d’arriver à un sevrage. Les formulaires à remplir pour l’obtention d’un appartement sont un obstacle immense. « Que devais-je mettre sous ‘Ancienne adresse’ ? Prison des îles à Sion ou alors Foyer André à La Côte-aux-Fées ? » Du point de vue financier, la situation est loin d’être évidente. Lorsqu’il « dealait », Jean-Daniel Piller croulait sous les liasses de billets. Là, il ne fait que des petits boulots et touche un salaire modique… Mais il tient bon ! Il réussit à être fidèle à la voix entendue du fond de sa prison, qui lui proposait de conclure une alliance nouvelle.
« Des ‘médoc’, j’en ai assez consommé ! »
10 ans après. Que de chemin parcouru ! La galère n’est pas encore terminée. Il y a des relations à renouer, avec ses enfants notamment. Il y a toujours des dettes à éponger. Mais comme il le dit lui-même, sans triomphalisme : « Jean-Daniel est un être nouveau ! » Le Christ a joué un rôle fondamental dans sa reconstruction. « Dans mes difficultés d’aujourd’hui, je peux vivre dans la paix. Quand on est dans la défonce, on n’est jamais dans la paix. A une époque où je m’injectais du LSD, je n’osais plus dormir parce que c’était tellement l’enfer ! » Aujourd’hui quand les « tuiles » s’amoncellent, il se met à genoux et prie. « Lorsque j’étais au Foyer André, mon psy a voulu que je prenne des ‘médoc’ pour m’apaiser devant le nombre de difficultés auxquelles je devais faire face. Non, lui ai-je lancé, quand j’ai un problème, je me mets à genoux et je règle cela avec Dieu, sans avoir à ‘bouffer’ des ‘médoc’. Des ‘médoc’, j’en ai déjà assez consommé… C’est bon ! »
Serge Carrel
Jean-Daniel Piller avec Joël Reymond, Terrasser le serpent. Itinéraire d’un toxico résilient, Lausanne, Favre, 2014, 216 p.
Une émission Ciel ! mon info pour Maxtv a été réalisée avec Jean-Daniel Piller sur son livre récemment paru.
Le 12h45 de RTS Un a consacré son rendez-vous société du mercredi 11 mars à Jean-Daniel Piller et Joël Reymond. A voir ici.
Jean-Daniel Piller au 12h30 de RTS La Première le 31 mars. A écouter ici.