"Eglise : la lutte anticorruption passe par le Sermon sur la montagne" par Claude Baecher

lundi 12 mars 2012

Le Sermon sur la montagne nous concerne. Il n’est pas là pour révéler la distance qui nous sépare de Dieu. Il est là comme force anticorruption pour éviter de mettre Dieu à notre sauce !

Lorsque les évangélistes transmettent l’enseignement de Jésus, c’est pour éviter la corruption du mouvement que l’homme de Nazareth a lancé. L’Eglise et nous mêmes, nous avons une propension extraordinaire à mettre à notre portée et à limiter ce que Dieu veut. Or, tout cet enseignement vise à nous rendre conformes à Jésus-Christ, et à prolonger ce qu’il a fait lorsqu’il était parmi nous. Le nouveau chrétien, depuis la Pentecôte, est transformé par l’œuvre intérieure de la grâce qui pardonne, mais il est simultanément transformé par un changement extérieur de son comportement quotidien. C’est possible par la grâce transformante de Dieu. Pour reprendre les propos de l’apôtre Paul, nous sommes justifiés non PAR nos œuvres (Ep 2,8-9), mais POUR ou en vue de nos œuvres bonnes (v. 10). Le mouvement allant de la grâce aux actions bonnes n’est pas accessoire au salut, il s’agit du résultat révélateur du salut. Autrement dit, c’est à cela que le Christ voulait en venir.

 
La force anticorruption du Sermon sur la montagne
Les indices montrant la force anticorruption du Sermon sur la montagne (Mt 5 à 7) sont nombreux : « Si le sel devient fade… », « N’allez pas croire que je sois venu pour… », « Si votre justice ne dépasse pas… ». Cela se vérifie aussi dans ce que Jésus dit en rapport avec la spiritualité : « Il ne suffit pas de me dire Seigneur, Seigneur »… A propos de la gestion des biens, il dira : « Tout cela, ce sont les païens qui le recherchent sans répit »… En somme, Jésus s’en prend à ce qui, sous un vernis chrétien, aurait encore quelque chose de profondément païen ou égoïstement arrangeant en nous, pour le dénoncer et le combattre. Nous sommes de remarquables fabricants d’excuses, même religieuses, et c’est précisément cela la corruption de l’enseignement de Jésus.
 
5 domaines touchés par cette lutte
Lorsqu’on reprend les cinq grands domaines abordés par Jésus en Matthieu 5, on se rend compte que l’évangéliste mène la lutte contre l’interprétation arrangeante de la volonté de Jésus. Cette logique touche cinq grands domaines, afin que le « sel garde sa saveur » :
1. Pas seulement ne pas tuer, mais aussi ne pas entretenir de colère. Plus que ne pas désirer faire du mal à quelqu’un, décider de lui faire du bien. On cherchera prioritairement la réconciliation et veillera aussi à éviter les paroles qui offensent et humilient. L’Eglise est dès lors un lieu où une telle culture peut être promue par l’enseignement et la pratique.
 
2. Pas seulement ne pas commettre d’adultère (coucher avec le conjoint d’un autre), mais aussi veiller sur ses pensées. La voie du Seigneur, c’est vivre la « chasteté ». Que ce mot est devenu rare ! La chasteté, c’est l’apprentissage de la maîtrise de soi, le renoncement à certaines pratiques immorales sur le plan sexuel, à certaines pensées allant en ce sens. La chasteté, c’est savoir ce que « retenue » signifie par égard pour le plan de Dieu pour l’humanité entière. Dans une société (la nôtre !) où les relations extraconjugales font tant de ravages relationnels, psychologiques et économiques, il faut des mesures énergiques, mais intensément intérieures. Le peuple de Dieu propose une alternative au climat d’anxiété générale induit par l’insécurité affective, en tenant le mariage dans la durée et la qualité de la relation conjugale en haute estime. Le but est de développer une culture de sécurité et de dignité pour tous.  
 
3. Pas seulement tenir ses serments, mais aussi se tenir derrière ce qu’on dit en temps normal. Tout comme le domaine sexuel, le domaine de la parole contribue à développer un climat de confiance, base d’une société en bonne santé. Se parler dans la vérité et le respect, et chercher à s’accorder sont les axes majeurs de ce que l’Eglise doit développer.
 
4. Pas seulement aimer les siens, mais aussi étendre cet amour inconditionnellement à chacun quel qu’il soit. La voie du Seigneur, c’est ne pas rendre le mal pour le mal, mais apprendre à faire le bien pour gagner les cœurs, les relations et les situations. C’est considérer autrui, comme plus important que la perte d’un avantage personnel ou d’un bien propre. C’est aimer jusqu’à ceux qui nous haïssent. En tous les cas, déjà commencer par ne pas rendre le mal à ses ennemis et chercher à les faire entrer, eux aussi, dans la sphère de la bénédiction. Belle aventure de décentrement du soi égoïste, domaine dans lequel on n’a jamais fini d’apprendre.
 
5. Pas seulement travailler pour son bien-être, mais aussi pour celui des autres. C’est cultiver la confiance en Dieu qui pourvoit et ne pas être dominé par l’avidité (l’argent), par l’inquiétude et la maladie des réserves sans fin. L’Eglise est le lieu où on développe une économie de solidarité et de communion, une économie plus humaine, où la spiritualité, quelle que soit sa forme, est au service de l’obéissance et non au service du moi égoïste comme le font les païens.
 
Nous comprenons dès lors pourquoi les évangélistes ont le souci de ramener notre attention au Jésus des évangiles et pas à un autre Jésus. Devenir plus conformes à ce Christ est dès lors leur passion. Jésus nous demande ainsi de coopérer à notre transformation progressive pour que ces axes deviennent de nouvelles habitudes instinctives. Cela se mettra en place avec l’aide de la victoire qu’il a remportée à la croix, avec l’aide de la prière bien comprise, de l’Esprit agissant et de l’enseignement reçu, mais aussi grâce à des modèles que l’on côtoie dans l’Eglise.
 
Un critère de qualité : le fruit
Jésus a donné un critère d’évaluation de la qualité attendue. En réfléchissant bien, on se rend compte qu’il ne s’agit pas d’abord d’avoir une confession de foi orthodoxe, ce qu’on dit sur Jésus (je crois « que ») – ce qui bien sûr est important aussi ! – mais d’obéir à ses enseignements (je crois « en » ou je « suis engagé à »…). Voici le critère de qualité : « C’est à leur fruit que vous les reconnaîtrez » (Mt 7,16 et 20, aussi 21,43 !). Jésus est déterminé à avoir un peuple qui produit des fruits spécifiques pour Dieu. Ces fruits doivent parler de Dieu lui-même, de l’amour, de la vérité, de la communion… Dès lors, avant de se référer à la quantité et au rendement, il met en évidence la qualité de ce qui est produit sur le plan relationnel et par rapport à la restauration des relations. Le « fruit », c’est tout ce qui produit les actions dont parlait Jésus, et qu’on ne peut connaître qu’en étudiant son enseignement. Un bon fruit correspond à un bon attachement au bon arbre : si le chrétien est attaché au Jésus de la Parole de Dieu, il portera un fruit caractéristique. Sommes-nous suffisamment familiarisés avec Jésus, le type d’homme qu’il a été et son enseignement spécifique ?
 
S’ouvrir à une conversion continuée
Nos cultes sont autant de lieux de formation du caractère chrétien pour devenir conformes à l’enseignement de Jésus. Après la réception du Saint-Esprit lors de la conversion, nous devons nous ouvrir à une conversion continuée. Quelle aventure fascinante ! Le Sermon sur la montagne balise la route vers la terre promise, avec des frères et des sœurs en chemin vers le même but. Pour progresser dans ce programme, il faut passer de Dieu à mon service, à moi pour le service de Dieu, et renoncer à lui dicter nos conditions.
Pour une société guérie, il faut un reconditionnement afin que nos traits de caractère soient plus conformes à celui que nous nommons le Seigneur et le Sauveur du monde. Si l’Eglise n’est pas le lieu de ce reconditionnement, où donc faudra-t-il le trouver ?
 
Claude Baecher, pasteur dans l’Eglise évangélique de Villard à Lausanne (FREE)
  • Encadré 1:

    Bio express

    Claude Baecher est pasteur dans l’Eglise évangélique de Villard à Lausanne (FREE) depuis la rentrée dernière. Professeur associé à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, il a été pasteur et enseignant pendant plus de 20 ans dans les Eglises mennonites de France. Il a publié plusieurs livres et vient de diriger la publication Rédemption et salut. La portée de l’œuvre du Christ pour la vie d’Eglise et pour l’éthique (Charols, Excelsis, 2011, 224 p.).
    Il est marié à Elisabeth. Ils ont 4 enfants adultes et 8 petits-enfants.
  • Encadré 2:

    Le 30 mars, une conférence sur le Sermon sur la montagne avec Claude Baecher

    Le vendredi 30 mars, le pasteur et théologien Claude Baecher donnera une conférence sur le Sermon sur la montagne à l’Eglise évangélique de Villard à Lausanne intitulée « Plus de sel et de lumière, s’il vous plaît ! ». Cette conférence montrera l’actualité de cet enseignement de Jésus. Elle sera suivie d’une journée de formation autour du Sermon sur la montagne ouverte à tous.
     
Publicité

Twitter - Actu évangélique

Journal Vivre

Opinion

Opinion

TheoTV (mercredi 20h)

20 janvier

  • «La terre, mon amie» avec Roger Zürcher (Ciel! Mon info)
  • «Repenser la politique» avec Nicolas Suter (One’Talk)

27 janvier

  • «La méditation contemplative» avec Jane Maire
  • «Vivre en solobataire» avec Sylvette Huguenin (One’Talk)

TheoTV en direct

myfreelife.ch

  • « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    Ven 03 novembre 2023

    Il y a quelques années, un trafic d’enfants proposés à l’adoption à des couples suisses secouait l’actualité. Sélina Imhoff, 38 ans, pasteure dans l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin, en a été victime. Elle témoigne avoir appris à accepter et à avancer, avec ses fissures, par la foi. Et se sentir proche du Christ né, comme elle, dans des conditions indignes. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

eglisesfree.ch

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

  • Rencontre générale de la FREE : l’équipe de direction souffle sa première bougie

    Sam 08 avril 2023

    La Rencontre générale de la FREE, qui a eu lieu le 1er avril 2023 à Aigle, a permis à la nouvelle équipe de direction de dresser un bilan, après tout juste une année de fonctionnement. Et ce qui saute aux yeux, c’est le grand nombre des défis à relever.

  • FREE : une première « Journée stratégique »

    Ven 03 février 2023

    Les personnes qui exercent un rôle dans la FREE se sont réunies en janvier pour réfléchir à la mise en œuvre de la nouvelle « gouvernance à autorité distribuée » (1). Retour sur une « Journée stratégique » conviviale et studieuse.

eglise-numerique.org

point-theo.com

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !