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L’Eglise après la chrétienté selon Stuart Murray : positiver la minorité !

vendredi 07 mars 2014

Le Britannique Stuart Murray invite les chrétiens évangéliques à envisager positivement l’après-chrétienté. Loin de se morfondre dans des considérations nostalgiques, il nous invite plutôt à considérer notre temps comme favorable à un engagement chrétien plus authentique. Tout cela partir de perspectives anabaptistes développées dès le XVIe siècle ! Stuart Murray sera l’invité de la fête de la FREE le 2 novembre prochain à Yverdon-les-Bains (1).

La chrétienté peut se définir de diverses manières :

  • une région géographique dans laquelle presque tout le monde était (au moins nominalement) chrétien ;
  • une ère historique de la conversion de Constantin au IVe siècle jusqu’au XXe siècle ;
  • une civilisation façonnée par l’histoire, les symboles et les rythmes du christianisme ;
  • un arrangement politique entre l’Eglise et l’Etat qui se soutiennent et se légitiment l’un l’autre ;
  • une idéologie, un état d’esprit, une façon de comprendre l’action de Dieu dans le monde ;
  • malgré ses réalisations remarquables, elle était impérialiste, oppressive et déformait la foi chrétienne.


Une ère de transition
En Occident, la disparition progressive de la chrétienté est évidente depuis des décennies et sa fin est maintenant en vue. L’Eglise décline de manière continue et celles qui croissent ne compensent pas cette baisse. Nous luttons pour recruter de nouveaux membres ou même pour garder nos propres enfants. L’Eglise n’est plus au centre de la société, mais elle a glissé à la marge.
Nous sommes dans une ère de transition, entre divers paradigmes. Nous devons être « bilingues », ayant plus de questions que de réponses. Certains ont peur de l’avenir, d’autres sont enthousiasmés par les nouvelles possibilités.
La postchrétienté, c’est la culture qui émerge lorsque la foi chrétienne perd sa cohérence dans une société façonnée par l’histoire chrétienne. L’influence des institutions développées pour exprimer les convictions chrétiennes décline. La postchrétienté, ce sont des transitions dont il importe de prendre conscience :

1. Du centre vers les marges
La chrétienté, l’histoire chrétienne et les Eglises étaient au centre, mais en postchrétienté elles deviennent marginales. Une Eglise marginale peut retourner à ses racines dans l’histoire d’un Dieu qui fait irruption, souvent à la marge et dans les œuvres des petites gens.

2. De la majorité vers la minorité
Les chrétiens composaient la majorité (souvent écrasante), mais en postchrétienté nous sommes une minorité. Une Eglise minoritaire a la possibilité de retrouver sa vocation prophétique. A l’ère de la chrétienté, nous avons tellement investi dans le statu quo, qu’il était difficile d’être prophétique ou de garder les yeux fixés sur la venue du Royaume de Dieu.

3. De colons à visiteurs de passage
Les chrétiens se sentaient à l’aise dans une culture façonnée par leur histoire, mais en postchrétienté nous sommes étrangers, exilés et pèlerins dans une culture où nous ne nous sentons plus chez nous. Une Eglise « pèlerin » échappe à la stagnation et peut redécouvrir le motif du voyage et grandir dans la foi et le discipulat. Notre statut de pèlerins ou d’étrangers en situation de postchrétienté peut nous aider à développer des réflexes de contre-culture là où nous avons fait des compromis.

4. Du privilège à la pluralité
Les chrétiens ont bénéficié de nombreux privilèges, mais en postchrétienté nous sommes une communauté parmi d’autres dans une société plurielle. Une Eglise sans privilège peut comprendre le sentiment de ceux qui n’ont pas de pouvoir et poursuivre la justice pour tous plutôt que son propre intérêt. L’héritage de la chrétienté fait que les chrétiens aujourd’hui encore rêvent du passé et s’accrochent désespérément à des privilèges injustes dans une société plurielle.

5. Du contrôle au témoignage
Les Eglises de la chrétienté pouvaient exercer un contrôle sur la société, mais en postchrétienté notre seule influence est le témoignage de notre histoire et de ses implications. Une Eglise témoin a l’occasion de réapprendre à raconter son histoire et d’inviter les autres à suivre le Seigneur. Aujourd’hui, beaucoup ne savent rien de la « saga chrétienne ». Nous devons devenir des conteurs et vivre les conséquences de notre histoire dans une société qui se méfie profondément des seuls mots.

6. Du maintien à la mission
La chrétienté a mis l’accent sur le maintien d’un statu quo soi-disant chrétien, mais en postchrétienté, l’accent est sur la mission dans un environnement contesté. Ce qui est en jeu, c’est la question des priorités et de la façon dont les aspects essentiels de l’Eglise s’imbriquent. Lorsque les caractéristiques institutionnelles et la préservation deviennent dominantes et étouffantes, nous avons besoin de renouveau.

7. De l’institution au mouvement
Les Eglises de la chrétienté étaient essentiellement exploitées en mode institutionnel, mais en postchrétienté nous devons redevenir un mouvement chrétien. Dans une culture en mutation et disposant de moins de ressources, de nombreuses Eglises sont accablées par des programmes complexes et des niveaux élevés d’activité. Trop souvent, ces activités ne sont plus appropriées. Mais il est beaucoup plus difficile d’arrêter les programmes que de les lancer ! Certains ne durent qu’en surchargeant les membres de l’Eglise, qui sont blessés dans ce processus.

Elisabeth Baecher, rédactrice responsable du mensuel mennonite Perspective (2)

1 D’après les conférences et les notes de Stuart Murray. Ce pasteur baptiste anglais était l’orateur de la retraite de la Pastorale mennonite romande à Tramelan, du 17 au 19 octobre 2013. Il a publié l’an dernier Radicalement chrétien ! Eléments essentiels de la démarche anabaptiste, Coll. Perspectives anabaptistes, Charols, Excelsis, La Talwogne, 2013, 200 p. Prix : 26.- Voir la présentation de ce livre signée Claude Baecher.
2 Lafree.ch remercie Perspective, le journal des Eglises mennonites suisses, de l’autorisation de publier cette contribution.