Le Dr Tony Ukety à la pointe de la lutte contre la « cécité des rivières » en Afrique

lundi 10 juillet 2006

Les prochaines conférences Eglises en mission traiteront de la lutte contre la pauvreté dans les pays du Sud. Notamment en abordant la question de l’engagement des chrétiens à l’égard du Défi Michée ou des Objectifs du Millénaire pour le développement de l’ONU. A l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève, le Dr Tony Ukety coordonne la lutte des ONG de développement contre l’onchocercose, une maladie qui fait des ravages en Afrique. Membre de l’Eglise évangélique de Meyrin, il compte sur un engagement résolu des chrétiens dans ce domaine. Portrait d’un homme dont l’action s’inscrit dans le sixième objectif du Millénaire pour le développement.

« Les chrétiens ne savent pas encore très bien en quoi consistent le Défi Michée ou les Objectifs du Millénaire pour le développement ». Le Dr Tony Ukety est assis dans son petit bureau de l’OMS à Genève. Nommé en 2003 coordinateur du groupe des ONG de développement pour la lutte contre la « cécité des rivières », cet ophtalmologue congolais, médecin pendant 16 ans au Centre médical évangélique de Nyankundé (nord-est de la République démocratique du Congo), regrette que les chrétiens de Suisse ne perçoivent pas l’urgence de la lutte contre la pauvreté dans les pays du Sud. « Quand en Afrique vous êtes confronté quotidiennement à la mortalité infantile, à la mort des femmes qui accouchent, aux ravages du sida ou de la malaria... c’est horrible ! Il faut lancer un grand plaidoyer pour sensibiliser les chrétiens de Suisse ! »

Très rapidement confronté à la "cécité des rivières"
La cécité des rivières – ou l’onchocercose en langage plus scientifique – Tony Ukety connaît. En janvier 1987, il commence sa carrière de médecin-ophtalmologue à Nyankundé. En mars, il effectue sa première tournée ophtalmologique de sa carrière dans les Uele pour apporter des soins en zone rurale. Le premier jour, il examine 44 aveugles. Le 60 pour-cent de ces personnes le sont à cause de la cécité des rivières, une maladie qui se déclenche suite à la piqûre d’une mouche noire vivant près des cours d’eau. « Ce premier jour de tournée en milieu rural m’a interpellé. J’ai décidé de tout faire pour lancer un programme de lutte contre cette maladie ». Cette même année, un médicament, qui prévient la cécité des rivières, arrive gracieusement dans l’arsenal thérapeutique modial. Deux ans plus tard, alors qu’il séjourne à Londres, Tony Ukety obtient le soutien de la « Christoffel-Blindenmission » (CBM) pour lancer des projets de lutte contre cette maladie dans sa région.

A la tête de la lutte des ONG
Aujourd’hui, Tony Ukety est monté en grade. Dans les locaux de l’OMS à Genève, il coordonne les activités du groupe des ONG de développement inscrites dans la lutte contre l’onchocercose. Cette fonction le fait beaucoup voyager. Au Burkina Fasa, en Angola, en Ouganda, en France, aux Etats-Unis, en RDC... C’est que son pays d’origine est le deuxième pays le plus concerné par l’onchocercose après le Nigéria. En RDC, 18 millions de personnes sont à risque et trois quarts des malades ne bénéficient pas encore du traitement.
Ailleurs sur le continent africain, la lutte contre cette maladie de la pauvreté connaît certains succès. En Afrique de l’Ouest notamment, certaines vallées, autrefois désertées à cause de la maladie, revivent. « Le deuxième directeur du premier programme de lutte contre cette maladie, explique Tony Ukety, a même pu acheter en France des haricots provenant de ces régions... C’est dire si le programme a transformé la vie des gens là-bas ! »
Assis dans son bureau « cagibi » de l’OMS à Genève, Tony Ukety n’en est pas pour autant devenu une sorte de « fonctionnaire » international, coupé de ses préoccupations premières. La médecine ophtalmologique le démange toujours. Il garde un contact régulier avec le terrain. Soit à l’occasion de ses visites en relation avec l’onchocercose, soit aussi parce qu’il retourne dans son pays pour des tournées d’opérations. En décembre dernier, pendant ses vacances, Tony Ukety était dans la région d'Aru et de Rethy au nord de l’Ituri. Et là en une dizaine de jours, avec un collègue ougandais, ils ont pu opérer 91 patients atteints de problèmes ophtalmologiques, dont 76 de cataracte. « C’était un cadeau que je voulais offrir à cette région avant l’arrivée de Noël », ajoute-t-il.

Un travail comparable à celui de Jésus
« Un ophtalmologue ou un orthopédiste effectuent souvent un travail comparable à celui qu’a fait Jésus ! » Le Dr Tony Ukety ne cache pas son désir de suivre son maître dans l’accomplissement de ses actes thérapeutiques. « Toucher des personnes, les guérir physiquement a contribué à donner du crédit au message qu’annonçait Jésus. Si je me comporte comme Jésus, j’espère aussi qu’au travers de mon engagement je contribue à annoncer l’Evangile de manière pertinente ! »
L’engagement actuel du Dr Tony Ukety s’inscrit dans le sixième objectif du Millénaire pour le développement : « Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies ». D’ici 2015, cet objectif a pour horizon de maîtriser la propagation d’une maladie comme la "cécité des rivières" et même de renverser la tendance. De développer des programmes de lutte qui localement permettront une forte diminution des personnes contaminées. Pratiquement, ce programme vise à responsabiliser deux personnes compétentes au sein d’une population de 500 habitants. Ces « soldats au service de la santé » éduquent la population et distribuent aux personnes les médicaments nécessaires.
« Parvenir à réaliser un tel but ne va pas sans un plaidoyer vigoureux dans les pays riches, auprès des chrétiens notamment », explique Tony Ukety. La sensibilisation autour du Défi Michée, initiée en Suisse romande ces derniers mois par l’Alliance évangélique, le réjouit. Tout comme le fait qu’il pourra parler de ce qui le touche de près dans le cadre des conférences Eglises en mission, du 5 au 7 mai prochain.

Serge Carrel

  • Encadré 1:

    Bio express
    Tony Ukety vit à Genève depuis novembre 2003. Il a dû quitter le nord-est de la République démocratique du Congo suite aux troubles interethniques qui ont fait des ravages dans la région de Nyankundé. Il est aujourd’hui le coordinateur des activités du groupe des ONG de développement dans le cadre du Programme africain de lutte contre l’onchocercose (APOC en anglais).
    Tony est marié à Fanny. Ils ont 4 enfants et fréquentent l’Eglise évangélique de Meyrin (AESR).

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